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Ann Talbot est une avocate de Chicago, fille d’un immigré hongrois qui a rejoint les Etats-Unis après 45. Son père est un jour convoqué au tribunal pour crimes de guerre, lui qui selon toute vraisemblance n’est qu’un simple ouvrier, veuf, bien intégré à sa communauté et grand-parent investi, qui a dû fuir son pays pour reconstruire sa vie. Ann va devoir prouver à la justice qu’il y a méprise sur la personnage, que ce ne peut pas être cet homme qui l’a élevée, elle et son frère, seul, dans une éducation bienveillante et affectueuse.


Costa-Gavras ne joue qu’un temps sur l’ambiguïté de la culpabilité du père, du moins pour le spectateur. Il ne fait rapidement aucun doute qu’il est bien Mishka, chef local d’un escadron de la mort. Ce qui intéresse le cinéaste est ici cette perte de repère pour Ann, interprétée avec justesse par Jessica Lange, entre émotion et rationalité, qui réalise peu à peu qu’elle l’homme qu’elle croyait connaître n’est en réalité qu’un loup en habits d’agneau. Elle passe par toutes les étapes, commençant par le refus catégorique d’une quelconque possibilité que son papa soit un monstre. Puis s’installe le doute, alors que les témoignages de rescapés hongrois s’enchaînent dans la salle d’audience, dépeignant les pires atrocités possibles et imaginables, alors que l’accusé reste glacial (Armin Mueller-Stahl, parfait dans l'implacable regard). Les enjeux sont-ils politiques comme elle tentera de le défendre, le bloc communiste cherchant à se débarrasser d’un opposant ouvert? Ou bien cet homme d’apparence ordinaire, ce père aimant, n’est-il que la face d’un des représentants de la lie de l’humanité? Lorsque le doute ne serait normalement plus permis pour quelqu’un détaché émotionnellement du procès, Ann opte pour le déni. Et quand enfin les faits sont trop accablants pour se voiler la face, c’est au toujours du rejet et de la colère de prendre le dessus.


Si Music Box fait écho aux nombreux procès similaires qui ont eu lieu dans les décennies suivant la chute du Reich, c’est bien les impacts humains sur les proches des coupables qui intéressent l’auteur. Quand le passé d’un parent vient le rattraper, et que tout s’écroule autour de nous, que les repères s’effacent au profit d’une horreur nébuleuse. “What do we know about our parents?” interroge la collègue d’Ann. Rien, si ce n’est ce qu’ils veulent nous montrer. Je ne sais pas ce qu'à fait mon grand-père en tant que CRS en Algérie, et ne le saurait jamais. Leur passé est le leur, et nous ne les comprendrons jamais vraiment.


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le 24 juin 2024

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Frakkazak

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