Michael Laslo a fui la Hongrie à la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour se réfugier aux États-Unis. Plusieurs années s’écoulent, mais le vieil homme est suspecté par les bureaux d’enquêtes spéciales d’être un ancien tortionnaire nazi. Sa fille, Ann Talbot, est amenée à le défendre en tant qu’avocate dans une affaire plus complexe que prévu.
La chasse aux nazis
Le présent métrage se caractérise principalement par une ambiguïté très précise. Michael Laslo est un père de famille et un grand-père qui vit depuis quarante-cinq ans en honnête et paisible citoyen Américain. Une enquête le soupçonne fortement d’être un tortionnaire nazi qui fut basé en Hongrie. Sa fille, avocate réputée qui ignore tout du passé de son père, va tenter de prouver le traquenard politique dont il fait l’objet alors que des témoignages sèment la confusion et le doute.
Cette affaire n’est pas sans rappeler la traque des criminels nazis rattrapés par le temps. Au lendemain d’une guerre qui avait provoqué le génocide de plus de six millions de Juifs, des procès se sont ouverts, des jugements prononcés pour crime contre l’humanité, mais les sanctions furent dérisoires quand on pense aux nombres de personnes impliquées dans la machine de mort du Reich. Qui plus est, d’anciens nazis sont parvenus à réintégrer des sociétés en silence grâce à l’aide des filières d’extradition. Scandalisé par l’idée que des ex-nazis puissent vivre cachés au sein de la société, des recherches intensives sont effectuées et même des traques dans le but de les condamner. Music Box présente une affaire typique où le débat fait rage à l’encontre d’une personne suspecte, l’objectif étant de déterminer si le loup s’est oui ou non déguisé en agneau.
La Mélodie de la Vérité
Avec son traitement de thématiques compliquées, Costa-Gavras parvient à mêler intelligemment un aspect émotionnel et politique. Le réalisateur montre très clairement le personnage de Michael Laslo de deux manières bien distinctes mais surtout conflictuelles. Il met en avant l’homme tel qu’il est actuellement. Une figure paternel exemplaire, un grand-père attentionné, indéniablement bienveillant envers sa famille. Puis, l’autre facette construite à travers des témoignages et des preuves qui sèment le doute et ébranlent la confiance de sa fille. L’ambiguïté est toujours pertinente, facile à suivre mais difficile à vivre, alors que les regards père-fille soumettent plusieurs des protagonistes à une charge émotionnelle dévorante et communicative. Quoi qu’il en soit, l’aspect politique intervient à travers une critique implicite à l’encontre de la mentalité impérialiste des États-Unis durant cette période. Protecteur du monde et terre d’accueil des réfugiés, alors que la lutte contre le communisme a engendré les pires alliances en octroyant même la grâce à des monstres de notre Histoire.
Mais l’élément principal du film reste le personnage de Jessica Lange, offrant une prestation émouvante du début à la fin, alors que les révélations durant l’enquête l’enlisent de plus en plus dans le doute. Au début de cette affaire, la problématique s’apparente à une simple erreur d’identification facile à contourner. Très rapidement, la situation devient plus complexe que prévu. Des preuves arrivent, des témoignages se multiplient, des photos refont surface, le tout alors que la propre fille de l’accusé ne connaît pas le passé de son père en Hongrie. Pourtant, Costa-Gavras ne cède jamais au manichéisme. Durant sa narration, le réalisateur s’emploie plutôt à nourrir une incertitude sans jamais la faire évoluer en vérité absolue. Seule la fin, qui légitimera le titre du métrage, apporte une réponse finale et indéniable après plus de deux heures de doutes et de confusions.
L’incertitude familiale
Avec cette investigation tortueuse, Music Box agrémente le récit de quelques réflexions profondes bien présentes derrière tout ce schéma hollywoodien. Les deux thèmes qui sautent immédiatement aux yeux sont l’accueil des réfugiés et l’antisémitisme, mais le troisième est à mon sens le plus intéressant : connaissons-nous réellement nos proches ?
C’est la question que pose le présent métrage au fur et à mesure que l’enquête progresse. Quand Ann Talbot constate qu’elle ne sait rien du passé de son père avant sa naturalisation comme citoyen Américain, les témoignages et les preuves lui dépeignent une autre facette de l’homme qu’elle défend contre semble-t-il le monde entier. Père exemplaire et grand-père attentionné, voilà que les descriptions du passé présentent un loup sanguinaire, tueur d’enfants, violeur, et tortionnaire expert. Son personnage est constamment renvoyé dans l’incertitude de connaître, de vraiment connaître, un membre de sa famille.
Conclusion
Avec son thriller poignant, Costa-Gavras met en scène un procès source de sentiments confus et bouleversants. L’accusé Michael Laslo, un émigré hongrois, est suspecté d’être un ancien tortionnaire nazi, un assassin de juifs, un membre fasciste des Croix fléchées. Est-ce un monstre ? Ann Talbot, sa fille, plaide une erreur de jugement alors que les témoignages et les preuves dépeignent les pires horreurs commises en Hongrie durant la guerre.
Un homme semble-t-il ordinaire est sous le feu des accusations alors que la confiance de sa fille s’effrite encore davantage à chaque nouvelle déclaration. C’est ainsi que le spectateur devient tout autant perturbé et confus que l’avocate et fille de l’accusé. L’incarnation froide de Armin Mueller-Stahl et celle émotive de Jessica Lange donnent ensemble une consistance à ce tribunal propice aux péripéties, aux révélations, et aux incertitudes constantes. Tout au long du métrage, le doute plane dans un tourbillon de questionnements avant une fin libératrice.
Michka, on l’appelait… Michka