Elles ont envie de s’amuser, de s’éblouir et de courir, leurs longs cheveux dans le vent. Elles ont envie d’aller à un match de foot et d’aimer un garçon, aussi. Rien d’anormal a priori, mais ce sont-là des attitudes que l’on juge fantasques et malvenues, voire obscènes, dans ce petit village reculé de Turquie. Des attitudes pourtant de leur âge, simplement, alors qu’on les force à devenir déjà des femmes, et surtout de bonnes épouses prêtes à marier qui savent préparer à manger, nettoyer les vitres et garder le silence. Ce film est un combat. Le combat de cinq jeunes sœurs contre des traditions immuables, sociales et patriarcales.
Ces traditions qui transforment une maison en prison, jusqu’à l’absurde, une prison avec des grilles aux portes et aux fenêtres, et des piques en haut des murs. On confisque les vêtements trop osés, on escamote le téléphone et l’ordinateur, on supprime l’école, on contrôle la virginité, on bride désirs et féminité. On enferme et on marie en s’arrangeant, ou bien de force. Beau sujet évidemment, et message fort aussi, utile bien sûr, surtout en ces temps d’intégrisme galopant (et si on mettait à mort une actrice ?) et d’un retour obsessif à des valeurs ultra-conservatrices : montrer la jeunesse et la liberté contre l’obscurantisme, et dire qu’à trop réprimer, c’est la révolte que l’on attise.
Sauf que le premier film de Deniz Gamze Ergüven nourrit un côté scolaire, genre premier de la classe. Un film bien fait et propre sur lui sans grand-chose qui dépasse, et finalement assez consensuel dans sa démarche dénonciatrice pour un marché à visée occidentale où l’on s’offusquera gentiment de la chose en allant au resto après la séance. Et puis il y a cet aspect un peu trop démonstratif aussi : avec cinq sœurs, toutes les options sont forcément possibles, quasi exhaustives. Un catalogue. L’une se mariera bien, une autre se mariera mal, une autre encore s’autodétruira et les deux dernières fuiront vers des contrées plus bienveillantes. Sans oublier un oncle tyrannique et incestueux, comme si le reste ne suffisait pas à témoigner du dramatique de la situation. Formaté, balisé et mou, sauvé en partie par cinq merveilleuses actrices, Mustang n’a de sauvage et de libre que son titre fallacieux.
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