Il est assez intéressant de voir la rapidité avec laquelle la carrière de Wong Kar-Wai a pris une envergure internationale. De festivals en festivals, le style du réalisateur a rapidement su s’imprimer dans la conscience collective, en s’imposant notamment comme une référence cruciale dans le monde de la publicité, réhabilitant également à grande échelle le cinéma asiatique. Au sein de sa filmographie — presque sans fautes — « My Blueberry Nights » fait figure de mauvais élève ; un premier film US faisant suite à la débâcle « 2046 ». Mais en adaptant ses obsessions et ses tics formalistes face aux grands espaces américains et à un casting particulièrement charismatique, le réalisateur hongkongais livre, hélas, une œuvre too-much, et in-fine, peu convaincante.
Pourtant, d’entrée de jeu, on retrouve ces fameuses images qui ont contribué à la renommée du réalisateur de « Chungking Express ». Lenteur, ralentis, jeux de couleurs relevant de l’obsession, placements musicaux de très bon gout… Et le tout servant le road-trip de Norah Jones traversant une période difficile de sa vie. Cependant, Wong Kar-Wai tombe dans ce fameux piège que tous cinéastes cherche à éviter : l’autopastiche. En effet, comment faire face à son propre héritage sans tomber dans une parodie formelle tournant dans le vide ? En plus de montrer cette incapacité à se renouveler, Kar-Wai s’auto vulgarise, à l’aide de dialogues déconcertants de platitudes, au service d’un enchainement d’histoires qui n’a guère d’intérêt, comme notamment celle de Arnie et Sue, positionnant l’héroïne du film comme spectatrice d’un drame conjugale. Et justement, quand cette histoire aurait pu être touchante, elle est finalement banale, voire bancale, tout simplement car les tics esthétiques du cinéaste la rende cruellement artificielle.
Une question revient également souvent au cours du visionnement de ce film : pourquoi Wong Kar-Wai part-il réaliser un film à l’ouest, loin de l’exotisme asiatique ? En réalité, la vraie question consisterait à savoir pourquoi il ne l’a pas fait plus tôt, puisque les Etats-Unis correspondent parfaitement à la caméra du bougre, se plongeant ici totalement dans le décor d’une Amérique repeinte par Bob Dylan. Résultat, le film dégage une certaine fascination, en total décalage avec son aspect caricatural (le personnage de Jude Law, c’est une blague ?). « My Blueberry Nights » plonge également dans une poésie bien trop facile, s’avérant plus proche d’un long travelling maniéré que d’un conte moderne niché dans l’obscurité, comme on aurait aimé s’y attendre. Bref, ce métrage est la preuve incontestable que pour s’exporter aux States, il faut savoir réhabiliter son art. Une goutte de plaisir au sein d’un piteux poème.