두사부일체 / My Boss my Hero (Yoon Je-kyun, Corée du Sud, 2001, 1h38)

Do-Shik est un gangster de Séoul, un vrai, un dur, qui mène ses hommes dans des règlements de comptes musclés entre gangs rivaux. Il ne rigole pas et vit à fond sa vie de chefaillon, roulant des mécaniques, frappants ses subordonnés crétins, abordant sans cesse une stature de mafieux arrogant. Sauf qu’il est un petit gars de la rue, sans réelle éducation, ce qui dans la chaîne de commande commence à poser problème à son supérieur.


Ce dernier, souhaitant lui offrir plus de responsabilités, lui ordonne de se faire diplômer pour prouver qu’il est capable de mener à bien les opérations, sans être la risée de ses adversaires. Do-Shik accepte, sans vraiment avoir le choix, et s’inscrit dans un établissement. Il s’y fait passer pour un étudiant de vingt ans, bien décidé à en sortir avec un diplôme.


Voici donc un postulat de départ original, servant de prétexte pour dresser un portrait assez peu reluisant du système éducatif coréen, rongé par la violence et la corruption. Sur un ton comique, dans un premier temps, le public est invité à suivre les premiers pas de Do-Shik dans l’établissement, où rapidement il devient souffre-douleur de quelques-uns de ses camarades.


Passant du statut de lieutenant de la pègre à celui de victime de harcèlement scolaire, rapidement il est confronté à ses limites intellectuelles, et sa capacité à s’adapter dans un monde violent où il trouve difficilement sa place. Le ramenant finalement à son statut de petit chef de gang, qui pour compenser ses limites fait lui aussi usage d’une certaine violence.


Il se retrouve également confronté à cette dernière au sein même de l’école. Que ce soit par l’intermédiaire d’autres élèves ou un corps pédagogique, professeur et vie scolaire, elle est omniprésente. La discipline étant ‘’enseignée’’ à coup de bâton et autres humiliations, Do-Shik prend peu à peu les choses en main, décidé à ne pas se laisser faire, et cherche à établir sa propre justice dans l’établissement.


Le film de Yoon Je-Kyun débute par une scène de règlement de compte musclé, très premier degrés, qui laisse envisager une œuvre radicale sur la mafia coréenne. Puis rapidement la nature du récit évolue vers la comédie, qui occupe une place centrale, puisque la majeure partie de l’aventure de Do-Shik se déroule sous cet aspect. Avec de temps à autre l’incursion d’une grande violence, qui laisse présager un final plus sombre.


Et c’est en effet le cas, après près d’une heure de comédie, à découvrir les coulisses du système éducatif coréen, longtemps reconnu comme le plus performant du monde, ‘’Doosaboo Ilchae’’, que l’on pourrait traduire en français par ‘’Les Deux Divisions’’, prend une tournure de plus en plus dramatique. L’expression de la brutalité, choquante et gratuite (Dans le récit, pas dans la démarche) devient motrice du récit, menant à une séquence finale en échos à l’introduction.


Ce qui ressort principalement, est ainsi l’usage d’une violence particulièrement crue. Que ce soit les claques données facilement, et pour un rien, au lynchage en bonne et due forme, avec coup de pieds dans la tête, coup de bâton, et tabassage en bande sur une seule personne, ce que reflète ce métrage est la présence d’un grand malaise au cœur même de la société coréenne.


Pour une nation dont le nom signifie ‘’Le pays du Matin Calme’’, la brutalité semble être quotidienne, voir culturelle, et c’est ce dont se fait le témoin cette œuvre des plus acerbes. Par un mélange des genres, qui est l’une des spécificités du cinéma coréen, de nombreuses pistes sont ainsi lancées, qui rendent l’intrigue parfois un peu difficile à suivre, puisque l’on ne sait pas toujours s’il faut rire, pleurer, ou s’émouvoir.


L’une des séquences est en ce sens particulièrement perturbante, alors qu’une jeune étudiante est passée à tabac par l’un de ses professeurs. Devant toute une classe, dont l’impuissance est criante, elle se prend des claques, des coups de poings et même des coups de pieds. Le visage en sang, tuméfié, elle subit les assauts répétés du professeur durant de longues minutes, sous les regards impuissants de ses camarades de classe.


Au premier abords cela peut sembler gratuit, puisque quelques scènes plus tôt le film était encore drôle, mais cette irruption soudaine de la violence appuie son omniprésence dans une société où l’autorité se fait à coup de trique, contre les récalcitrants. Le passage est difficile à regarder, surtout que l’on ne se rend pas tout de suite compte que c’est à nouveau dramatique.


Il en va de même pour l’ultime séquence, qui consiste en une baston générale entre une trentaine de personnes, qui là aussi déploie une brutalité incroyable. Entre coups, hémoglobine et insulte, c’est un véritable règlement de compte crépusculaire auquel on assiste. Témoin une fois de plus de la présence d’une violence quasi institutionnalisé, exprimée de manière froidement naturelle.


‘’Doosaboo Ilchae’’ est une œuvre typiquement coréenne, de par son mélange (parfois anarchique et maladroit) des genres, véhiculant un propos qui laisse sous-entendre la nature ultra-violente d’une société schizophrène, comme exutoire à l’ordre stricte qui régit le quotidien. Cette première œuvre de Yoon Je-kyun est ainsi des plus fascinantes, et annonce de plus toutes les thématiques, voir obsessions, qui jalonneront son cinéma par la suite.


Œuvre abrupt, elle n’en est pas pour autant dénué de sens, avec des enjeux qui enrichissent sans cesse le récit. Si ce n’est pas une œuvre d’une ampleur énorme, restant une tragi-comédie de mœurs assez modeste, ‘’Doosaboo Ilchae’’ n’en est pas moins entiché d’un intérêt vif, ne serait-ce que pour observer crûment une société qui semble en pleine recherche d’elle-même.


-Stork._

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le 6 mai 2020

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