Le film est un O.C.N.I., Objet Cinématographique Non Identifié, classé, un peu arbitrairement, parmi les documentaires mais qui comprend aussi une part de fiction. C’est avant tout une réflexion et une mise en abyme sur le cinéma. C’est pourquoi, il convient de le regarder sans rien connaitre de sa création, au premier degré, afin d’en savourer l’originalité jusqu’au bout. Le spectateur est, néanmoins, mis en garde par la réalisatrice, par une citation extrait d’un livre d’un écrivain indien, Paravadin Kanvar Kharjappali, paru en 1919 : « Le mensonge n’est qu’une autre façon de dire la vérité ». Le film est constitué d’images (de grande qualité) muettes, en couleurs, filmées par Léon et Vivian Barrett au cours, entre autres, de leurs nombreux voyages et auxquelles, la réalisatrice a ajouté un sous-titrage, extrait du journal intime de Vivian Barrett, femme mélancolique et ayant un côté Emma Bovary.


Cela débute avec des images en noir et blanc d’aviateurs militaires en Suisse dont l’un des avions s’écrase. Son pilote, Léon, en réchappe mais ne pourra plus voler à cause de problèmes d’audition. Sa femme, Vivian, ne peut avoir d’enfants. Ils vivent en Suisse et voyagent beaucoup (Paris, Mont-Saint-Michel, Le Mans, Catalogne, Majorque, New-York, La Nouvelle-Orléans, Las Vegas, Italie) et Léon s’associe avec un ami pharmacien, Jacques, pour créer un laboratoire pharmaceutique dont l’unique produit, « Lovedyn » est à base de plantes du Popocatépetl [volcan et 2e plus haut sommet du Mexique (5 426 m)] et aux vertus anxiolytiques. On découvre que Vivian aime un autre homme, Léonardo, rencontré à Majorque mais elle renonce à quitter son mari pour le rejoindre. Atteinte d’un cancer, elle meurt en Suisse en 1969 tandis que Léon décède au Mexique en 2010 (d’où le titre du film ?). Le générique final nous apprend que le médicament Lovedyn était un placébo et que l’écrivain indien Kharjappali était un plagiaire. Après cette levée de voile sur des faits mensongers, le générique assène au spectateur le coup de grâce en mentionnant que les personnes filmées ne sont pas Vivian et Léon Barrett mais Frank Lorang et Ilsa Ringier, les grands-parents maternels de la cinéaste. On réalise alors le travail qu’elle a effectué, à savoir plaquer un texte (journal intime, en fait de sa création) sur des images déjà existantes (une cinquantaine de bobines de pellicules 16 mm ou 8 mm, tournées entre 1953 et 1961 et trouvées dans la maison de ses grands-parents).


Belle réussite et beau tour d’illusionniste, qui est un hommage aussi au 7e art, art de l’illusion par essence.


Bien sûr, lors d’une 1ère vision, on observe un décalage entre images et texte mais le procédé n’est pas nouveau mais le tout reste plausible

bougnat44
8
Écrit par

Créée

le 5 avr. 2021

Critique lue 163 fois

bougnat44

Écrit par

Critique lue 163 fois

Du même critique

Le mal n'existe pas
bougnat44
5

Dans les forêts du Japon

Dès les premières images, j’ai senti que le film ne me plairait pas : en hiver, longs plans fixes sur la cime des arbres, sur un bucheron tronçonnant des arbres, fendant les buches à la hache, les...

le 7 déc. 2023

10 j'aime

9

Vivre
bougnat44
9

Un remake réussi

Le scénario a été écrit par Kasuo ISHIGURO, 68 ans, britannique d’origine japonaise et prix Nobel de littérature en 2017. C’est l’adaptation du film « Ikuru » (« Vivre ») (1952) d’Akira Kurosawa...

le 12 déc. 2022

8 j'aime

1

La (Très) Grande Évasion
bougnat44
8

Comment prendre les citoyens pour des jambons

Ce documentaire dénonce le fonctionnement des paradis fiscaux (états ayant une fiscalité très faible, pratiquant le secret bancaire, disposant de nombreux établissements financiers et d’une situation...

le 1 déc. 2022

6 j'aime

2