Qui de mieux pour réaliser un film sur les Troubles de Comportements Alimentaires (TCA) qu’une ancienne malade ? Qui de mieux pour analyser un film abordant les TCA qu’un blogueur atteint de TCA ? Grâce au formidable travail de programmation de l’association Atmosphères 53 qui a projeté le premier long-métrage My Skinny Sister lors du Festival Reflets du cinéma 2019, une véritable connexion s’est établie entre une artiste, Sanna Lenken, et un spectateur.
My Skinny Sister a l’intelligence d’aborder la maladie, en l’occurrence l’anorexie, par le prisme de Stella, 12 ans, une charmante rousse assez rondelette, qui veut rassembler à sa grande sœur Kadja admirée de tous et sportive de haut niveau en patinage artistique. Etant donné que la maladie occupe déjà une place très importante dans le quotidien d’une famille où les TCA phagocytent l’attention de tous et les intérêts de chacun, la réalisatrice garde une place conséquente à l’épanouissement de Stella, toujours liée à la maladie, pour questionner le passage de l'adolescence ainsi que la quête de l’identité d'où la présence du scarabée, libéré puis enfermé, noyé dans les toilettes puis de nouveau libéré symbole dans l'Egypte Antique de renaissance pour les morts et emblème protecteur pour les vivants ou métaphore de l'évolution de Kadja. Tandis que Stella découvre petit à petit la maladie de sa sœur, elle se découvre encore elle-même à travers son corps, ses envies, ses désirs et ses fréquentations qui ne cessent de se transformer au fil de son passage vers l’âge adulte.
My Skinny Sister n’est pas une œuvre cinématographique majeure, par ailleurs, la réalisatrice remplit impeccablement son rôle pédagogique : proposer un bon drame social et réaliste avec un propos juste et poignant. La réalisatrice excelle notamment dans la justesse de ses propos, expliquant à la fois l’incompréhension de son entourage face à cette maladie absurde qui ne peut que dérouter ses proches et aussi en témoignant de la réceptivité biaisée et obscurcie de Stella. Sanna Lenken parvient également à retranscrire de nombreuses situations parlantes pour les malades comme les actions de "purification” et de compensation (ici le sport et les vomissements), comme l’entêtement et la recherche de la perfection, comme la honte de se goinfrer dans les poubelles dans ces instants de lâcher prise, comme la solitude invétérée et surtout comme la difficulté à se nourrir, à obliger son corps à absorber tel ou tel aliment ou tout simplement les crises de paniques engendrées par les moments de partage des repas. Ses situations n’auraient pu affecter le spectateur sans les deux jeunes actrices qui sont aussi touchantes et délicates que déroutantes et désobligeantes.
La lumière, colorée et chaude du soleil au début du film ne cesse de tendre vers l’artificialité de celle de la patinoire, pâle et glacée. L’atmosphère se refroidit, l’utilisation du flou se démultiplie à mesure que Kadja est gangrenée et possédée par la maladie, à mesure que Stella devient gardienne puis prisonnière d’un secret trop lourd à porter.
Je ne peux que vous recommander mon expérience liée aux TCA que j’ai décidé de transmettre et de partager avec l’écriture et la publication d’un premier récit de vie aux Editions Frison-Roche: https ://www.editions-frison-roche.com/produit/412/9782876716247/je-reviens-d-une-anorexie