Le parcours d'un cinéphile est souvent semé d'embûches et de déception face à de nombreuses attentes. Mais il est aussi un chemin qui nous fait découvrir des oeuvres rares, puissantes, venues de pays dont on ne s'attend pas forcément à tenter l'aventure cinématographique.
Hiner Saleem est un cinéaste kurde, ayant déjà fait son trou dans le milieu. Avec My Sweet Pepper Land, il doit certainement offrir son oeuvre la plus aboutie car le chemin parcouru depuis Kilomètre Zéro (le seul autre film que j'ai vu du monsieur) est énorme.
My Sweet Pepper Land est multi genre. Mais c'est avant tout un film profondément humain, qui touche au coeur et qui pose surtout question. Dans un Kurdistan libéré du joug de Saddam Hussein, un petit état tente de se construire et d'avancer. Une jeune démocratie qui balbutie et dont la tâche pour évoluer semble colossale.
Saleem propose constamment un regard sur le passé et sur l'avenir. Une oeuvre qui touche par ses nombreux sujets abordés où deux jeunes personnes tentent de vivre, coincés entre une volonté de modernisme et respect des traditions.
La place de la femme au sein de ce jeune Kurdistan est évoquée. Mais pas seulement, c'est l'ensemble de la société qui est étudiée à la loupe. Saleem y évoque les pressions sociales que les hommes doivent subir via Baran, notre héros. Celui-ci fuit une mère qui cherche à le marier à tout prix. La relation entre l'homme et la femme suscite les plus grandes controverses au sein d'un village vivant justement dans cette tradition.
Il n'y a surtout aucun jugement moral de la part de Saleem. Il n'hésite pas à utiliser l'humour même s'il ne le fait pas toujours avec brio pour raconter son sujet. Le film est aussi une réelle invitation au voyage, véritable découverte d'un monde qui nous est à la fois l'opposé de notre mode de vie, mais aussi qui nous rapproche par les différents traits de caractère des personnages.
Saleem propose un eastern extrêmement intéressant et intelligent, servi par une photographie à couper le souffle, de superbes plans et des moments de contemplation distillés comme il se doit. Le cinéaste offre un film presque parfait de ces contrées sauvages et loin de la modernité du Kurdistan. Un voyage dont on ne ressort pas indemne.