Le problème avec les récits d’enquête, c’est qu’aujourd’hui, le public est particulièrement attentif aux structures narratives. Après cent-vingt-cinq ans de cinéma et des milliers d’années de récits fictifs, il est difficile de proposer une histoire vraiment nouvelle. Qui pourrait se targuer aujourd’hui de révolutionner un genre aussi codifié que le slasher par exemple ? A mon sens, le whodunit subit ce même problème, encore plus quand on s’attèle à une énième adaptation des romans d’Agatha Christie.
Pour pallier ce petit souci de répétition, Kenneth Branagh décide de ne pas adapter au stricto-sensu une des histoires de l’autrice mais plutôt de piocher à droite à gauche pour proposer une nouvelle aventure à Hercule Poirot.
Ainsi, c’est une nouvelle enquête, de nouveaux personnages…mais encore et toujours la même formule. Et même moi qui ne suis pas vraiment connaisseur du whodunit et encore moins des romans d’Agatha Christie, je me suis vite mis à bailler devant ce Mystère à Venise. Évidemment, le genre veut ça, mais le film passe par toutes les scènes obligatoires qui, personnellement, n’arrivent plus à capter mon attention. La découverte du corps, les témoignages, la révélation finale à coup de long monologue suivi du revirement du tueur qu’on croyait jusqu’ici innocent. Forcément, ce sont des passages obligés, mais moi, j’ai vite fait de lever les yeux tant j’ai l’impression d’avoir vu ça mille fois ailleurs. Et quelque part, c’est odieux de reprocher ça à ce film puisqu’il s’efforce à certains instants d’apporter un renouveau au genre.
Ici, ça passe clairement par la confrontation entre un récit « fantastique » et un personnage pragmatique et désabusé. J’aime particulièrement ce qui est fait d’Hercule Poirot dans ce film. Le personnage a vu tellement d’horreur qu’il en déduit que l’homme ne peut posséder d’âme (je schématise, le dialogue a le mérite d’être bien écrit). Ainsi, Poirot doit déceler le vrai du faux dans une enquête qui tend vers le paranormal.
Il n’empêche que « fantastique ou pas », Mystère à Venise peine à se démarquer tant tout sonne vu et revu côté scènes d’interrogatoire et autres retournements de situations. Ajoutez à cela une gestion de l’horreur absolument foireuse avec des jumpscares casés aléatoirement et vraiment désagréables.
Alors certes, ce n’est pas déplaisant à suivre, ça ne dure pas trop longtemps pour nous laisser vraiment le temps de bailler, mais je ne peux pas dire que j’ai été captivé par l’ensemble. D’autant que je trouve que Branagh se complait dans une mise en scène, certes, léchée, mais dénuée de sens. Le pire exemple de ça se trouve dans une scène de spiritisme incluant tous les personnages. J’aurai aimé que Branagh crée un arrière-plan unique pour chaque personnage. Ç’aurait permis au spectateur de les distinguer et surtout, de dévoiler le rapport qu’a chacun d’eux avec l’élément surnaturel auquel ils font tous face. Mais non, tous les personnages sont filmés devant un mur noir flou, quel dommage. Surtout que Branagh n’est pas un manche et sait proposer quelques plans joliment étalonnés. Je pense aux séquences à Venise de jour qui sont absolument magnifiques (c’est presque dommage que 90% du film se déroule la nuit).
Je ne sais pas comment les fans de Christie prendront cette aventure originale de Hercule Poirot mais me concernant, je me suis assez ennuyé. Le film passe surtout pour ses acteurs et le traitement judicieux du détective face au fantastique. A ceux qui voudront se faire surprendre par une nouvelle enquête palpitante, passez votre chemin.