Kenneth, il aime le théâtre. Branagh il adore Shakespeare. Et Kenneth Poirot, lui, son truc, c’est plutôt le potager. Surtout les navets.
Alors le Kenneth, il ratisse sa belle moumoustache, c’est une variante double de la version guidon, et il applique ses verres de contact colorés « bleu outrancier » pour que le spectateur comprenne bien que rien n’échappe à son regard acéré. A l’aise sur son toit terrasse, Hercule batifole avec sa cour de plantes en pots. Il est à l’aise, tranquille et pinard, lorsque surgit, à la débottée, une ancienne connaissance en la personne d’Ariadne Oliver. Romancière à succès, elle vient quérir l’aide de notre Poirot qui végète. Brillante, notre huile de la littérature, n’en demeure pas moins sous pression, car ses derniers romans passent mal auprès de la critique. Abandonnant alors les confortables toitures de Venise, voilà nos deux potes âgés parés pour une séance de spiritisme au cœur de la sérénissime. La nuit tombe ainsi que la qualité de la photo. Ultra grand angle et couleurs saturées hantent les nouveaux lieux. Il s’agira maintenant d’un huis clos immonde où les perspectives s’écrasent aux rythmes de dialogues blets et d’acteurs flétris.
Les invités sont exposés rapidement et Michelle Yeoh apparaît dans une scène, greffe avortée de l’exorciste. On rigole bien mais on a quand même un peu de peine pour elle. Heureusement, Paul Green le scénariste, décide de l’empaler sur une main pas vraiment verte. Notre Poirot décide alors de cadenasser tout ce beau monde et de cuisiner les suspects. Et pendant ce temps, Tina Fey pas grand-chose. Sur fond d’opposition surannée entre surnaturelle et scepticisme, Hercule poireaute et laisse les seconds rôles éclore sous leur scères d’exposition. L’esprit retourné par sa récente chute dans les pommes, notre tatinspecteur poursuit son enquête en mélangeant réel et visions dans des séquences douteuses.
Le récit devient indigeste, même les meilleurs acteurs n’arrivent pas à susciter de l’intérêt. Les paupières s’alourdissent, Camomille Cottin nous relaxe alors qu’arrive Ricardodo et Jamie Dormant. On assiste béat à ces enchaînements de dialogues filmés de face sans aucune ambition de mise en scène. Branagh enterre ses acteurs dans des poses enracinées, ignorant fabuleusement les déplacements et la gestuelle dans un simulacre de théâtre atrophié. Puis arrive le second cadavre, exquis. Loin de dynamiser la narration, il l’enlise. Branagh filme Poirot en gros plant, comme si de la proximité pouvait jaillir la lumière. Mais point de photosynthèse, les racines sont moisies, les feuilles du script restent ternes. Le rythme s’accélère mais le film ne croît en rien. Pour s’extirper de son bouillon vénitien, Poirot laisse tomber ses conclusions et déductions comme des cheveux sur la soupe. Les fleurs éclosent alors que les bourgeons étaient à peine formés.
Comme toute les bonnes choses ont une fin, sauf la banane qui en a deux, je conclurai simplement, en hommage à Agatha Christie, plus adepte de la feuille de thé que de la tranche de navet :
Mystère à Venise ?
Botanique (t)amère