"_My name is Dave. _His name is Dave."
Dites moi seulement, s'il vous est arrivé de rêver que vous voyez un film génial, mais vraiment, et quand vous vous réveillez, non seulement vous savez que ce film n'existe pas mais qu'en plus vous ne vous en rappelez pas ? Moi oui, et je pense que demain matin j'aurai l'impression d'avoir rêvé Mystery Train, sauf que j'en aurai des souvenirs. Les images, les dialogues, la musique, tout est un putain de sublime souvenir.
Au générique mes yeux ont cligné par trois fois en voyant s'afficher en blue (moon) le nom de Screamin' Jay Hawkins, le gérant d'(heartbreak) hôtel en costume rouge flamboyant emprunté au diable (Little Demon ?) le plus classe du monde. A la radio, vous entendez des chansons géniales que vous entendriez dans les bars de vos rêves (qui maintenant seront hantés par Memphis, où vous voudrez absolument vous rendre, et en train) et elles vous sont présentées par Tom Waits, parce que cet homme devrait être la voix off de la Vie elle même.
Memphis, Elvis, vous êtes un seul et même fantôme qui hantez Mystery Train, vous nous faites errer dans les mêmes rues qui seront différentes à chaque histoires, vous nous faire passer à travers des looping spatio-temporels (DANGER DANGER, WILL ROBINSON !).
Vous êtes vous jamais demandé pourquoi les blagues dans vos rêves (celles dont vous vous souvenez éveillé, et dont personne ne rit) sont si géniales ? Parce qu'elles sortent de nulle part et ne vont nulle part, purement abstraites et absurdes, comme le Mystery Train.
Ainsi comme moi vous vous serez bidonné mainte fois, parce que quand vous n'savez pas quoi faire d'une bouteille brisée vous la balancez sur la route avec un naturel désarmant, ou que le fantôme du King s'est apparemment trompé d'adresse en apparaissant dans votre chambre, parce que les voitures et les flingues sont traitées comme des nanas (et dans un sens, c'est presque flatteur), ou que son nom à lui c'est vraiment Dave, ou parce qu'un groom qui reçoit en pourboire une prune du japon essaye d'écraser une fausse mouche de la taille d'un bras avec une simple tapette, et enfin parce que c'est vraiment pas de chance de se faire tirer dessus par un putain d'anglais (dont la voix vous dit probablement quelque chose, pas moyen de mettre la main dessus) qui n'est même pas votre beau-frère.
Et vous n'avez même pas gardé le peigne d'Elvis. Damn.
Vous vous sentez comme un train fantôme en passant et repassant par les mêmes endroits, all around the world dirait Jay, en visitant les rues vides où il se passera bientôt quelque chose. J'ai marché et conduit dans Memphis pendant presque 2h, merci pour la balade, Jim (et merde, j'éspère que personne ne verra cette référence à la chanson française).
Les prochaines fois que je saute dans le Mystery Train je lui mettrai sûrement un 10. Jarmusch il sait vous faire papillonner le palpitant chaque fois qu'un plan se termine au noir (et ça arrive souvent), parce que vous avez soudain la trouille que le film finisse là. Quoi qu'il fasse ça vous fait toujours un drôle d'effet parce qu'au final vous n'avez pas fait que passer dans l’hôtel qu'est le film, vous avez aussi piqué les serviettes de toilette.
Jim Jarmusch, je suis drôlement contente que vous fassiez du cinéma.
Jim Jarmusch votre nom est presque aussi cool que celui de Win Wenders, vos lunettes sont le prolongement parfait de votre regard céleste de biche morte, votre voix sublime pourrait endormir n'importe quel insomniaque (mieux que celle de Dee Dee en tout cas), et pourtant vous essayez toujours de cacher au monde le fait que vous êtes un black albinos, un fantôme blanc et silencieux qui observe les vivants, un blanc anglais dans un bar black de Memphis.
PS : si je l'avais dit au début, personne n'aurait lu la suite, alors je le dis maintenant, vous venez de vous faire arnaquer, ceci n'est pas vraiment une critique, c'est une déclaration d'amour.
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