Le jeune metteur en scène, Yoon Jong-bin, ne fait pas dans le glauque ou gore exacerbés comme souvent dans le cinéma coréen mais montre de manière évidente et bien plus que dans quelques thrillers coréens récents, son inspiration pour les films d'action et de gangster américains, tant les références sont nombreuses : de bons plans au plus près des personnages, des déferlements de violence surprenants, des embrassades hypocrites, aux choix vestimentaires (chapeaux et lunettes de soleil, rappelant Robert de Niro), du bras de fer entre deux rivaux dans une ambiance enfumée et tendue, ou encore de rouste exemplaire pour celui qui trahit et les menaces qui vont avec...et l'ascension d'un homme dans le "milieu" avec l'intervention ici d'un procureur pour stopper cette montée des gangs. Mais tout ceci ne minimise en rien la maîtrise évidente pour cet aspect véridique de l'histoire de la Corée, en matière de lutte contre le crime. L'ensemble servi par une musique particulièrement à-propos, dynamique et entraînante de Cho Yeong-wook (Old boy).
Kwak Do-won (The strangers) procureur assidû et malin révèle ici par l'adversité de sa situation, la politique de la Corée, du pouvoir et de sa main mise sur l'autorité. (un thème que l'on retrouvera dans "Inside men ! the Original").
Choi Min-sik dans le rôle de Ik-hyun est un de ces agents corrompus de l'Etat, sacrifié par son supérieur mais qui rebondira et se transformera en une sorte d'homme d'affaires mafieux, parfait dans ce personnage qui agaçe et révulse. Appuyé par son neveu, trafiquant de drogue, Hyung-bae, calme, froid, dangereux et respecté (l'étonnant Ha Jeong-woo (the murderer) excellent et tout en flegme charismatique....qui devra "faire équipe".
Avec une assez curieuse entrée en matière pour ce film de gangster, sur un ton décalé et loufoque où l'on se demande si ce n'est pas une parodie, où gags se succèdent pour des agents des douanes corrompus, alternant petits cris offusqués et autres cachettes de butins...au vu de tous !
C'est à partir du bon premier tiers, que le rythme et l'ambiance changent pour se diriger plus particulièrement dans le film de gangster avec une ambiance moins bon-enfant, plus sombre et violente malgré de temps à autre un sens du décalage toujours présent....Se concentrant plus particulièrement sur la relation de l'oncle et du neveu, proposant des personnages crédibles dans leurs faiblesses et leur désir de reconnaissance et en filigrane, le gouvernement qui lance sa guerre contre le crime organisé.
Une fois le rythme pris, les flashbacks nous baladant des années 80 où Ik-Hyun rêve d'être un gangster...-mais s'avère plutôt lâche et opportuniste, au présent des années 90 où il est arrêté, on saisit mieux le contexte : l’arrivée d’une république démocratique après la dictature, la montée des gangs, la corruption du pouvoir et les opportunités des uns et des autres (n'oubliant pas de jouer sur les relations familiales pour asseoir leur autorité, débitant les liens par alliance de toute la lignée) Les caractères brossés ne sont guère élogieux et apportent la crédibilité pour une multitude de personnages répondant aux codes du genre.
On retrouve Ma Dong-seok (le bagarreur de "Dernier train pour Busan") ici aussi en une sorte de garde du corps de Ik-Hyun, ceinture noire de sport de combat, qui malheureusement ne lui sert pas à grand chose mais qui offre un personnage hors jeu, fort plaisant.
Seules quelques longueurs et la relation de dominé/dominant oscille de Ik-Hyun à Hyung-bae sans appui. Ce manque de fluidité donne l'impression que ni l'un ni l'autre ne maîtrise la situation et donne un résultat maladroit. Un manque de tension, pour un résultat trop linéaire et qui manquera de punch pour un scénario globalement prévisible.
Mais la mise en scène sobre et l'absence de surenchère, en fait un bon moment de divertissement, où les jeux d'acteurs valent le détour.