Nausicaä de la vallée du vent
7.9
Nausicaä de la vallée du vent

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1984)

Une adaptation tellement réussie qu’on en voudrait encore

Alors que le manga Nausicaä rencontre un fort succès (qui durera pendant 12 ans, de 1982 à 1994), Hayao Miyazaki peut enfin réaliser le long métrage d’animation qu’il voulait en ayant obtenu la confiance de ses producteurs. Seulement, il n’y aura que ce film qui adaptera le manga en 1984 qui s’il n’en est encore qu’à ses débuts continuera donc pendant longtemps. Une adaptation de 7 mangas de 130 à 230 pages en un long-métrage de même pas 2 heures, ça aurait été de toute façon impossible sans réaliser de gigantesques cuts massacrant la cohérence du récit.


Là il va être question de raconter seulement le début de l’histoire sans trop inviter à lire le manga pour savoir la suite, autrement le film serait très frustrant car constituant une œuvre très incomplète, au-delà de ses qualités potentielles. Et même pour adapter « seulement » les 2 premiers mangas publiés alors, 2 heures ça ne va pas être facile puisque la première version du scénario devait déjà tenir sur 3 heures. C’est tout de même le défi relevé par le fameux réalisateur du studio Ghibli, qui n’est même pas encore fondé par ailleurs. Je vous propose de découvrir si ce défi est bien relevé en écoutant ce superbe mix orchestral dirigé par Joe Hisaishi.


L’introduction ne commence pas tout de suite par Nausicäa comme dans le manga mais par la forêt toxique qui s’étend et semble faire des ravages avant même que l’on explique l’implication de la pollution à l’origine humaine dans tout ça. Je pense qu’il y a là une volonté de nous placer davantage d’un point de vue humain où l’on peut considérer dans un premier temps que nous sommes victimes de la nature et non pas l’inverse, de manière à renforcer l’impact du récit sur la question bien évidemment. Mais c’est ici un choix d’adaptation plutôt mineur en comparaison des autres choix effectués.


Afin de recentrer l’histoire de façon à ce qu’elle paraisse complète dans le film d’animation, une large partie de l’univers n’est pas mentionné, l’empire Tolmèque semble n’affronter que la forêt et non un autre empire, les conflits animant Kushanna et sa famille ne sont qu’évoqués brièvement... C’est un choix audacieux qui permet de respecter l’essentiel du message transmis par le manga sans trop étirer son intrigue compte-tenu du format du film ou sembler se terminer en queue de poisson avec tant de questions introduites pour finalement ne pas être traitées.


Un autre choix d’adaptation audacieux a été pris et il est pour moi des plus pertinents :


Le roi Jihl ne meurt pas des suites de sa maladie mais est tué par les forces tolmèques dès leur arrivée dans la vallée du vent. Ça permet de lancer le récit très vite et d’accentuer l’évolution de Nausicaä qui doit passer par cette phase, plus tardive dans le manga, où elle n’est plus la parfaite écologiste pacifique avant de finalement le redevenir. C’était un point central du récit initial qui devait arriver bien plus tard, mais ce qui était logique et pertinent dans le manga ne l’est plus dans un film qui s’arrête au quart de l’histoire qu’il adapte, j’y vois là une prise de risque intelligente.


Le manga prend tout son temps pour développer son univers et faire évoluer son personnage principal, là il faut aller beaucoup plus vite et tous les choix d’adaptation, aussi frustrants peuvent-ils être, sont faits en ce sens. Parfois, il y a même plus de détails dans le film que dans le manga sur des points qui ont plus de place dans ce nouveau récit, comme la vie quotidienne dans la vallée du vent qui doit mieux entrer en contraste avec toute la machinerie déployée par l’empire Tolmèque puisqu’on aura pas le temps de plus développer cet aspect-là par la suite.


Concernant la colorisation, elle prend tout son sens ici évidemment quand on pense à l’importance scénaristique et esthétique de la couleur des yeux des Omus ou de la tenue portée par Nausicaä par exemple. Les couleurs bleutées retenues pour illustrer la beauté de la forêt toxique sont bien choisies, d’autant qu’elle contraste parfaitement avec les couleurs chaudes du désert notamment. Ça colle tellement bien avec le matériau d’origine que ça ne m’a pas étonné une seconde d’apprendre que Miyazaki était là aussi impliqué dans ce travail.


Pour le casting, Sumi Shimamoto, qui avait déjà doublé Lady Clarisse de Cagliostro pour le premier long-métrage d’animation de Miyazaki, double très bien Nausicäa, le personnage qu’il ne fallait pas foirer j’ai envie de dire mais même les autres s’en sortent très bien aussi. La première version du film en France étant atroce, pas spécialement à cause du doublage d’ailleurs, je ne parlerai que des nouveaux doublages de 2006 qui eux sont très bons, la doubleuse de Nausicaä étant cette fois une habituée du studio Ghibli puisque c’est aussi la voix française de Kiki ou encore d’Arrietty.


La musique, composée donc par Joe Hisaishi, marque le début de la collaboration entre un compositeur et un réalisateur qui offriront bien des chefs d’œuvre par la suite. Et c’est déjà un peu le cas ici, si pas mal de musiques sont simplement passables à mon sens, Requiem sort très clairement du lot et offre énormément d’intensité au passage les plus importants. Cet emprunt passager à la musique classique Sarabande qui introduit le thème composé pour le film est magnifique et il m’est impossible de ne pas l’avoir automatiquement en tête sur certains passages du manga avec ces notes associant parfaitement la mélancolie et l’espoir.


Malgré le budget assez limité qui donnent des plans assez peu animés, les scènes d’action rendent plutôt bien grâce à leurs enjeux, à la musique derrière... Moins violent que le manga, ils ont quand même eu le courage de ne pas trop censurer la violence comme lorsque Nausicäa saigne très clairement par blessure par balles ou lorsque l’on voit très clairement des soldats mourir plutôt que d’être simplement mis K.O ou quelque-chose dans le genre. De la même manière, le soldat géant ou les insectes gardent leur design quelques peu monstrueux, ce qui est assez notable pour une œuvre plus grand public.


Nausicaä de la vallée du vent, le film d’animation, adapte très bien ce qu’il adapte mais demeure limité par la portée de son adaptation qui donne le sentiment d’être seulement introductive tant il y a de choses à raconter et de magnifiques scènes à adapter du manga. Le défi est très bien relevé quant à réussir cette introduction sans trop appeler à lire le manga mais je ne peux pas m’empêcher de me dire que c’est tellement dommage que ce film n’ait jamais eu de suite et le manga est à lire impérativement si ce film vous a plu.

Créée

le 20 juil. 2018

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damon8671

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