Quand le voyeurisme glauque laisse place à la poésie de la reconstruction

Avec sa moue circonspecte, son gros sac à dos et ses tocs, Ronen Matalon (Yossi Atia, co-réalisateur et protagoniste principal) se dit être "prêt pour n'importe quel désastre". Car les situations dramatiques ça le connaît, il en a vécues des tas adolescent. Né à Jérusalem, Ronen a grandit non loin de la rue Jaffa, celle qui, aujourd'hui encore, recense le plus grand nombre d'attaques terroristes dans le monde.
Des trottoirs qu'il foule aux entrées des échoppes encore criblées de balles, tout lui rappelle cette sombre période qui a coûté la vie à des centaines de victimes. Alors, pour tenter d'en faire le deuil et braver les traumatismes qui le hantent encore, Ronen décide de se livrer.


Il aurait pu s'étendre sur un divan en velours vert, et raconter entre deux sanglots les attentats auxquels il a assisté, que nenni. Yossi Atia et David Ofek ont préféré emprunter le ton de la comédie noire, un peu farfelue et légère, et faire de Ronen un guide touristique à but non lucratif, déambulant dans son quartier pour partager ses souvenirs, en voilà une bonne idée !


Si Ronen conserve encore les stigmates de cette funeste époque, son nouveau statut lui permet d'inscrire son histoire personnelle dans la grande, et ainsi de la recontextualiser avec du recul et de la poésie. Sans jamais tomber dans l'essai géopolitique, Ronen ne se prive pas pour autant de dénoncer, toujours un sourire en coin, les conflits opposant la Palestine et Israël, tout en intégrant à son récit des anecdotes intimes, ce qui le rend indubitablement attachant et humble.


Si les premières visites touristiques se font en petit comité, on se presse rapidement des quatre coins du monde pour y assister. D'un duo nippon à des étudiantes en échange universitaire, Ronen captive son public en parvenant à rendre son propos à la fois ludique, salutaire et cynique.
Il fait goûter des confiseries locales, simule un appel post-attentat, distribue des bougies à placer aux endroits commémoratifs, et crée des quiz de bienséance sur ce que l'on peut s'autoriser ou non à faire les jours qui suivent une attaque.


Son manège est bien rôdé, peut-être trop à la longue, et on finit par s'ennuyer devant la répétition de séquences répétées en boucle. Son père, un veuf vieillissant, et son colocataire, un trentenaire joyeux et nonchalant, l'encouragent à tarifer ce nouveau passe-temps chronophage, mais Ronen préfère au capitalisme morbide, la transmission d'un héritage lourd. C'est un chic type ce Ronen, c'est d'ailleurs ce que pense Asia (la pétillante Lihi Kornowski) une "demi-touriste" avec qui naît une idylle, bercée au rythme des quatre saisons que retrace ce film.

Allin
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le 28 juil. 2020

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