Ne te retourne pas par Mickaël Barbato
Jeanne, plongée dans l'écriture d'un premier roman, constate des changements mystérieux autour d'elle et voit son corps se transformer... Son entourage ne semble pas s'en apercevoir. Troublée, elle découvre chez sa mère une photographie qui la met sur la trace d'une femme, en Italie. Jeanne, désormais transformée, y trouvera la clef d'un étrange passé...
Gros coup de coeur que ce deuxième film de la très douée miss De Van, déjà auteur d'un Dans ma Peau plus qu'encourageant. Le film de genre n'est clairement pas la tasse de thé du cinéma cocorico, entre les oeuvres passées inaperçues malgré quelques qualités (Haute Tension) ou les grosses daubes honteuses (Brocéliande etc, la liste est trop longue) que quand un cinéaste français touche au but il devient dare-dare une icône pour les amateurs de ce cinéma.
Marina De Van pose d'emblée, de par la photographie et sa direction artistique, une ambiance sombre et étrange, de sorte que le spectateur ne peut que ressentir très vite le malaise s'installer. Utilisant à merveille la psychose de sa protagoniste, en utilisant son psyché mais aussi sa vision en montrant un extérieur qui va en crescendo dans l'étrangeté, plongeant le tout dans une oppression de tous les instants. Le tout servi par une BO toute en retenue, jamais sirupeuse.
Formellement, De Van ose. La sensibilité féminine qu'elle imprime est touchante. Ses plans descriptifs expriment une certaine poésie du mal-être, une certaine douceur aussi. La psychologie de la femme trouve un écho direct sur la réalisation, ce qui me pousse à penser que Ne Te Retourne Pas ne pouvait être exploité que par une femme.
Dès les tout premiers plan de Marceau, l'apparence, le reflet est mis en avant. Floutée, embuée, déformée, son sujet apparaît déjà comme impalpable, annonçant avec une forte subtilité le récit. Car la recherche de son passé n'est pas, finalement, le thème principal. L'identité, le mensonge pour se satisfaire, l'imaginaire et toutes ses complications, voilà ce qui est au centre. Comme vient le rappeler sporadiquement les apparitions mystérieuses d'une fillette qu'on relit immédiatement au passé oublié de Jeanne. Et pour souligner tout ça, De Van n'hésite pas à montrer des images troublantes, à faire ressortir la perdition comme ce trajet en voiture qui tourne en rond (rappelant la séquence culte de Opération Peur par Bava), une lente transformation pouvant mettre mal à l'aise qui trouve son point d'orgue dans une confrontation physique fusionnelle tétanisante et foutrement bien réussie, face à un miroir*.
Et c'est au bord de l'aboutissement que l'identité de la protagoniste se stagne, sous les traits divins d'une Bellucci jamais aussi bien mise en valeur. Mais quelle beauté simple cette femme ! Là, le rythme baisse un peu, l'enquête prenant le dessus sur la recherche d'identité et son vertige, comme pour faire souffler le spectateur avant un final explicatif, mais tout en finesse, pas trop éclairant et tellement touchant.
Une réussite totale, du fantastique symbolique sans être pompeux une seule seconde. Marina De Van, vite encore !
*(37:03 à 37:25)
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