La Carte et Le Territoitoire Houellebecquien!
En l'état actuel,la majeure production du cinéma français fait peine à voir.Formaté à l’extrême et destiné à rentabiliser au maximum l'image de marque des produits dérivés(Astérix,Boul et Bill,Lucky Luke...........et très prochainement Lou) et à capitaliser sur ses stars passées et actuelles(Marceau et Bruel dernièrement,Foresti,Dubosc,Elamaleh et d'autres),il en résulte un magma industriel proche de la catastrophe.Fort heureusement des pieds nickelés,avides de bousculer cette hiérarchie établie,aiment à inventer d'autres formes de cinéma beaucoup plus libres et moins conventionnelles.Delépine et Kervern,anciens troufions de Canal et précurseurs d'un humour absurde faisant souvent mouche,font partie de cette caste.Cinéastes des révoltés et des précaires,armés de leur passé Grolandais,il émane de leur filmographie un joyeux bordel nihiliste.
Est il alors si surprenant de voir les deux compères s'embarquer dans une mise en scène plus radicale et moins léchée que leurs précédentes réalisations?Si l'on considère leur parti pris d'engager des stars dans des histoires farfelues mais joyeuses à des fins financières et dans le but d’être mieux exposé,certainement.Mais à bien y réfléchir,leur esprit revendicatif ne pouvait plus tellement tenir dans cette économie de marché qui les poussait surement à faire plus de concessions qu'ils ne le voulaient.La première audace se trouve donc la,dans ce mixe de mise en scène sèche et épurée,poussant le formalisme à un degrés tel qu'il en perd le spectateur dans un profond ennui pour mieux le rendre à revers de ses habitudes.Tourné en urgence et sans grand moyens,avec une caméra tremblante pour un rendu dégueulasse,à la limite de l'amateurisme,le film prend le risque de se saborder dès lors que Houellebecq quitte son domicile pour aller se perdre dans l'immensité rocheuse.La volonté des Grolandais de réduire aux maximum toute velléité des codes du cinéma traditionnel traduit bien le parcours sinueux du double fictionnel de l'auteur.Jouant de son image dilettante de grand échalas dégingandé,alternant avec sérieux déblatérations philosophiques et aphorismes sur la marginalisation sociétale de la vieillesse et sa solitude dans le monde moderne,l'acteur participe de l'étrange fascination qui nous habite.Partagés entre l'incrédulité face à tant de suffisance et l’enthousiasme de participer au ton drolatiquement désespéré de l'ambiance je m'en foutiste du personnage,notre cœur balance.Et ce,d'autant plus que sa gueule de Droopy patibulaire amuse autant qu'elle agace.Pas aidé par une trame narrative réduite au strict minimum,l'enjeu dramatique met du temps à décoller et peu soucieux de son image publique,le cabotin performeur titube et soliloque sur du rock grunge(une des meilleures séquences) en roue libre,pour le meilleur(parfois) et pour le pire(un peu trop souvent). Quelques scènes trop étirées en longueur n'arrangent évidemment rien à l'affaire.
D’où vient alors ce plaisir d'assister à la mise à mort du scribe cathodique?pour ses détracteurs,l'idée même que la fiction dépasse la réalité n'est pas pour leur déplaire.Pour les autres,l'incarnation physique du romancier de la conceptualisation métaphysique d'une ancienne génération perdue entre désir de finir sa vie correctement et peur ou dégout d'une modernisation bafouant ses valeurs fondatrices,signe annonciateur du rejet de la tradition,peut être vecteur d'attachement.Le spectateur y transfère sa propre solitude et s'émeut d'une trajectoire pour le moins atypique mais touchante.Son suicide avorté,fil rouge de l'intrigue,prend une tournure assez inattendue pour qui espérait une fin plus apaisée et déroule une violence morbide qui tranche avec le caractère amer mais malicieux de l'ensemble.La forme,libératrice mais négligée,ne rend pas service au fond,strict et mélancolique.