Lovecraft et le cinéma, ce n'est pas une grande histoire d'amour. Si la majorité de ses adaptations sont des navets purulents n'ayant la plupart du temps plus grand chose à voir avec le matériau d'origine, nous pouvons quand même saluer quelques prouesses comme les films de Stuart Gordon adaptés de son oeuvre, à savoir "Re-animator" (1985), "From Beyond" (1986), "Castle Freak" (1995), "Dagon" (2001) et "Dreams in the witch house" (téléfilm, 2005) mais également "Bride of the Re-animator" (Brian Yuzna, 1990) et "Beyond re-animator" (Brian Yuzna, 2003) tous deux partiellement adaptés de la nouvelle "Herbert West, réanimateur". Si les fans pourront toujours fantasmer sur un éventuel quatrième Re-animator (dans un premier temps prévu avant abandon du projet; le film aurait du s'intituler "House of the re-animator" et aurait dû se dérouler à la maison blanche.), ces derniers devront se contenter des quelques œuvres citées ci-dessus, bien qu'elles ne soient que rarement fidèles; Re-animator étant une satire à base de gros gore qui tâche, d'humour noir (absent des récits très premier degré de Lovecraft dont certains prétendraient un supposé racisme de Lovecraft, comparant l'inconnu de son oeuvre aux arrivées des étrangers dans les villes.) et de sexe (Bon là aussi, il faudra en trouver dans les textes de l'auteur...)


Il est aujourd'hui indéniable que son oeuvre est désormais totalement imprégnée dans l'imaginaire collectif et intégrée dans la pop-culture, bon nombre d’œuvres y faisant référence: Evil Dead, Cloverfield, The mist, La cabane dans les bois,dans l'antre de la folie, The thing, Rick et morty, South Park,..


Aucun film jusque là n'ayant finalement rendu honneur à l'auteur, en retranscrivant fidèlement ses textes et en extrayant la richesse de son oeuvre et l'héritage colossal qu'il nous a légué pour l'exposer à l'écran et de ce fait, combler de bonheur les amateurs du mythe de Cthulhu, ce "Necronomicon" datant de 1993 semblait être la solution évidente. Sous forme de film à sketches, trois réalisateurs ont choisi d'adapter chacun une nouvelle et leur apporter leur vision. Malheureusement, ce projet très ambitieux sur le papier donne un résultat très mitigé et en dessous de ce que l'on était en droit d'attendre...


The Drowned
Adaptation de Les rats dans les murs


Réalisé par Christophe Gans (Silent Hill, Le pacte des loups), ce premier segment est probablement celui qui rend le plus justice à Lovecraft. Cependant, il est le moins réussi des trois qui composent cette oeuvre. Visuellement, c'est assez réussi, Gans optant pour un éclairage digne d'un Mario Bava et de personnages Hitchcokiens sans oublier l'essentiel; des créatures sorties tout droit de l'univers de Lovecraft comme des homme-poissons ou encore le fameux Cthulluh. Le segment, plutôt confus, souffre de son format court; nous n'avons pas le temps d'apprécier les décors et d'explorer les lieux que c'est déjà fini, bien que la présence de Cthulluh soit acceptable, les effets spéciaux ne sont pas du plus bel effet et le temps d'exposition réduit des créatures et leurs plans ne permettent pas de les apprécier à leur juste valeur. De plus, une conclusion aurait été non négligeable.


The cold
Adaptation de Air froid


Sketch le plus réussi du lot, il met en scène David Warner dans la peau d'un scientifique vieux de plus de 100 ans qui a besoin de corps exposés à une très faible température pour pouvoir survivre. Bien que le sketch précédent soit une adaptation complètement libre, ici le segment de Shusuke Kaneko est celui qui semble le plus respecter l'oeuvre de Lovecraft,- bien qu'il semblerait que le réalisateur quittera le tournage à cause de barrières linguistique et culturelle et sera remplacé par une seconde équipe- la chute est attendue mais le spectacle en vaut la chandelle.


Whispers
Adaptation de Celui qui chuchotait dans les ténèbres


Encore une fois adaptation libre d'une nouvelle, assez satisfaisante quoiqu'un peu longuette mais avec une chute surprenante, elle voit une jeune policière explorant les bafonds d'un immeuble new-yorkais qui est le refuge d'un être mi-homme mi-extra-terrestre et autres créatures mythologiques.
Impossible de s'attacher aux personnages vu l'absence de background mais Brian Yuzna réussit le pari et offre un segment tout à fait honorable, mettant encore une fois en avant sa fascination pour le body horror et termine son sketch sur une agréable note, aussi cauchemardesque soit-elle.


The library


Sketch servant de fil conducteur, de transition entre les trois histoires, ce dernier est peu inspiré. On y voit Lovecraft, victime du syndrome de la page blanche, tentant d’accéder au fameux Necronomicon pour pouvoir s'en inspirer pour ses écrits, bien que les trois nouvelles dont sont extraites les adaptations ici sont dispatchées dans le temps. C'est bien entendu Jeffrey Combs qui incarne l'auteur- quoi de plus logique, ayant joué deux fois le personnage d'Herbert West auparavant, et dont on dénombre 7 apparitions dans des œuvres tirées de Lovecraft- mais le personnage y est dépeint de manière assez négative et plutôt prétentieuse. De plus, le manque de dialogue ne compense pas ni le final à base d'effets ratés, ridicules et pas loin même d'être nanardesques-. Le sketch n'a quasiment aucune utilité, puisque Lovecraft s'enfuit quand même avec le livre des morts.


Projet ambitieux, il n'en résulte finalement qu'une adaptation en demi-teinte servis par deux sketchs de bonne facture (pas de très bonne facture, mais de bonne facture) et deux sketchs décevants. Nous sommes ici face non pas à une retranscription fidèle de ses récits mais face à une transposition partielle qui tiennent davantage des variations autour de ces récits que des adaptations pures. Le résultat n'est pas à la hauteur des attentes, compte tenu du faible budget accordé, de sketchs moins inspirés que d'autres mais le film à l'honneur d'exister:à travers ces variations inégales, toutes mettent en oeuvre le Necronomicon, qui fut le fantasme de tant de fans et l'objet de toutes convoitises...


A réserver aux fans de Lovecraft et aux plus indulgents seulement.

QuentinDubois
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le 21 juin 2018

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Quentin Dubois

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