CRITIQUE // NECTAR DE LUCILE HADZIHALILOVIC
NECTAR, UNE AVENTURE SENSORIELLE NOUVELLE ET INATTENDUE.
Nectar court-métrage de 18 minutes, signe le grand retour de la réalisatrice Lucile Hadzihalilovic, dix-sept ans après avoir décroché une Mention spéciale du jury pour son film La Bouche de Jean-Pierre en 1997 !
Un pavillon se dresse au milieu d’un jardin fleuri. A l’intérieur, une dizaine de femmes y font régner une activité discrète et continue, au service de Reine. Celle-ci se réveille dans une petite chambre hexagonale. Après avoir été cérémonieusement lavée et coiffée par plusieurs femmes, Reine abandonne son corps à sept d’entre elles…
On retrouve aisément dans Nectar la pâte de la réalisatrice. En effet, certains codes déjà utilisés dans La Bouche de Jean-Pierre et Innocence sont très largement présents. Un rythme d’action qui réduit les temps morts et où les temps forts se succèdent, des couleurs marquées récurrentes comme le jaune et le vert, un univers onirique, fantasmagorique.
Nectar nous plonge dès les premières secondes dans une expérience visuelle et sensorielle exceptionnelle.
Dès le début le ton est donné, nous nous faisons happer par un bourdonnement sonore. A l’apparition du premier gros plan, il n’y a plus de doute, il s’agira bien d’un film sur les abeilles.
Pourquoi apprécier ce court-métrage ?
Les films sans dialogues semblent difficiles d’accès, et pourtant dans cette oeuvre il n’y a aucun dialogue, du début à la fin. Le langage qu’utilise la réalisatrice est tellement fort qu’on en oublie même qu’il n’y a aucun échange verbal. Les 18 minutes sont d’une fluidité telle, qu’elles filent…
Le montage, la juxtaposition et l’enchaînement des images, rendent l’absence de dialogue imperceptible et nous renvoie très rapidement à l’humain qui s’inscrit dans la société actuelle ainsi qu’à des thèmes comme le maintien du désir ainsi que la peur de la mort chez la femme . C’est l’un des aspects qui fait la force de Nectar.
Par la suite, l’on ne peut qu’être séduit par la cohérence des costumes et des décors. Tout est en totale adéquation. On assiste à une très belle symbiose de la direction artistique, des thèmes et des personnages. Le champ lexical du monde de la ruche est parfaitement respecté, c’est un perfectionnisme très appréciable.
Nectar est un court-métrage hors du commun, comme on en voit peu et qu’il serait bon de voir davantage !
Pour aller plus loin : Lucile Hadzihalilovic a précédemment réalisé 2 courts-métrages de fiction : La Bouche de Jean-Pierre (1996)*, Good boys uses condoms (1998) et un long métrage Innocence (2004). Elle a travaillé à la production et au montage des films de Gaspard Noé, Carne en 1991 et Seul contre tous en 1998.
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*La Bouche de Jean-Pierre est disponible en DVD chez Badlands (http://badlands.tictail.com/), où figure également le court-métrage Good Boys uses condoms. Innocence est, quant à lui, disponible en DVD chez Wildside.