Je commence vraiment à développer un amour pour le cinéma de Nicolas Philibert, il arrive parfaitement, à chaque fois, à jouer ce numéro d'équilibriste entre montrer les choses telles qu'elles sont vraiment et attirer cependant notre regard sur le noeud de l'affaire. Le film Nénette est une parfaite incarnation de cette attitude, finalement, le réalisateur ne fait que nous montré une suite d'image de Nénette accompagnée de remarques d'intervenant divers, procédé somme toute assez banal et qui, pourtant, saisit toute la finesse du problème. Alors que les soignants, les visiteurs, les enfants et les touristes se succèdent et y vont chacun de leur petite remarque, Nénette reste enfermé dans "l'empire du rien", formule absolument géniale du dernier intervenant qui saisit parfaitement les émotions que l'on ressent pendant tout le film. Enfermée dans un petit espace depuis maintenant 40 ans, elle se repose, scrute le public du même regard fatigué depuis des années et boit son thé avec le même geste plein de nonchalance. A quoi pense t-elle ? Question qui nous prend sans qu'on puisse nous en détourner. On en vient même à se demander si les soignants sont ses amis ou ses geôliers, toute la richesse du film est là.
J'ajouterai peut être une chose : sur la fin, le film nous fait une piqure de rappel et nous empêche de tomber dans l'idéalisme : Nénette, bien qu'infiniment attendrissante et pleine d'amour, reste avant tout un animal sauvage. La familiarité que l'on éprouve pour elle n'est dû qu'à l'épaisseur de la vitre (ou de l'écran) qui nous sépare d'elle. Et comme il est simplement dit dans le film, si cette barrière devait disparaître, un seul message se graverait dans l'esprit des visiteurs : "sauve qui peut".