Boniface vit seul dans un appartement de Marseille (lequel est parfois squatté par certains de ses amis dont on n’apprendra pas grand-chose), il a quitté le foyer familial à la mort de sa mère, il est pizzaïolo, il fantasme sur la boulangère. Antoinette vit chez son père mais quitte son collège et part rejoindre son frère lorsqu’elle apprend qu’elle est enceinte.
Nénette et Boni pourrait être une suite directe à US go home. Le temps aurait passé. Frères et sœurs seraient donc séparés. Et le jour où elle apprendrait sa grossesse elle quitterait le cocon familial – en l’occurrence le père a remplacé la mère – pour trouver une aide auprès de son frère qui lui manquait sans doute. Mais comme dans US go home, leur relation, à fleur de peau, est très violente, parce qu’ils se ressemblent. Du coup il est très vite question d’avortement en ce qui la concerne tandis que lui ne le souhaite pas. Elle souhaite d’abord mettre fin à cette souffrance puis accouche sous X. Lui la sauve in extremis de ses tentations suicidaires et s’en va prendre le bébé à l’hôpital, arme à la main.
C’est un film très noir, plus encore que dans tous les autres films de Claire Denis. Pourtant c’est ci et là qu’elle insère des moments de grâce, suspendus, musicaux. Ainsi, la figure tant fantasmée est incarnée par ce couple de boulangers, récemment parents qui vivent des moments magiques. Lorsque l’on découvre Tedeshi et Gallo s’enlacer en dansant sur un morceau des Beach Boys on sait qu’on est chez Claire Denis, et ces mouvements corporels, cet amour vrai car muet.
Ce n’est pas celui de ses films qui me touche le plus, la faute à une narration plus décousue, un montage plus abrupt. Néanmoins ça reste beau, passionnant, aérien – accompagné par le musique des Tindersticks – et comme toujours incroyablement bien joué.