Nés en 68 - Nous nous aimerons jusqu'à la mort est le nouveau film du duo Ducastel/Martineau. Ça "m'amuse" de me dire que Martineau, qui fait ici une apparition à la Hitchcock, je l'ai eu comme prof à la fac et que malgré sa belle carrière cinématographique (il avait cartonné avec Jeanne et le garçon formidable), c'est le premier de ses films que je vois.


Ce long métrage est une grande fresque de presque trois heures qui va de mai 68 à mai 2007, soit de la révolution étudiante au discours de Sarkozy disant qu'il faut "liquider l'héritage de 68". Si le film n'évite pas les longueurs et aurait mérité d'être plus ramassé, il m'a globalement bien plu. Avec quelques chutes de rythme, l'autre défaut du film serait le vieillissement des personnages et leur âge à l'écran : Laetitia Casta, vachement bien, est rayonnante de beauté et de sensualité sur les deux premières décennies, mais elle est physiquement moins crédible lorsqu'elle arbore la même silhouette parfaite à la fin de sa vie, tout juste marquée de quelques rides et cheveux blancs ; l'actrice qui joue sa fille (Sabrina Seyvecou, révélée dans Choses secrètes) a quatre ans de moins qu'elle dans la vraie vie, celle qui joue sa meilleure amie (la belle Christine Citti) en a presque quinze de plus... Bref, tout cela se voit à l'écran et parasite un peu la crédibilité et le réalisme de la dernière partie. Mais à part ça, l'ensemble tient très bien la route.


Ce qui est troublant dans Nés en 68 c'est que Ducastel et Martineau dressent finalement un tableau très sombre de ces quarante dernières années. Bien sûr, au début, on fait la révolte en chantant et on part se rouler nus dans l'herbe du Larzac et partouzer joyeusement sur fond de guitare folk, mais on sent déjà les limites d'un combat qui s'éparpille, d'une utopie maladroite, d'un esprit communautaire voué à l'échec. Ceux qui veulent continuer à lutter contre les principes bourgeois du capitalisme et du mariage se retrouvent marginalisés dans leur campagne ou tombent dans l'extrême et meurent ou finissent en prison, les autres changent de camp sans renoncer totalement à leurs idéaux et deviennent profs parisiens mariés tout en déplorant que plus personne ne se batte pour les grandes causes. Quant aux enfants de cette génération, ils héritent de parents qui ont du mal à assurer leur autorité à force d'avoir tant vanté les mérites de l'amour libre et du refus des institutions, ils tombent dans les années Sida, vivent le 11 septembre et Le Pen au second tour, ils se cherchent des valeurs, entourés d'adultes qui ne sont plus très sûrs des leurs.


Nés en 68 est une fresque un peu longue mais intéressante et souvent émouvante, qui ausculte 68, son héritage et l'époque actuelle avec un regard assez lucide et donc assez glacé. Une belle scène finale conclue quand même le film sur une très jolie note d'espoir et de nostalgie. Un bon film.

AlexandreAgnes
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le 31 mai 2016

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Alex

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