Un western irlandais, tourné en Irlande et au Luxembourg, qui se regarde bien, sans plus. J'y allais pour Emile Hirsch que j'avais adoré dans "Into the wild", je retiendrai finalement la gueule et la présence ultra scénographique d'un John Cusack assez remarquable en méchant intelligent et lucide, tout habillé de noir. Un mélange entre la dégaine rock de Bashung (puisqu'une partie du casting est européen) et la prestance désintéressée de Henry Fonda. Il tient le film qui m'a cependant laissée dubitative. On comprend que la fondation de l'Amérique s'est faite difficilement, qu'elle a été misérable, baignée de sang et de boue (beaucoup, beaucoup de boue dans le film !). Que le rigorisme religieux (qui a justifié le massacre des "sauvages") et l'intégrisme moral ont eu leur pendant de hors-la-loi, d'alcool, de prostitution, d'armes et de violence. Le saloon de Dutch Albert et l'église protestante se font d'ailleurs face, comme dans l'histoire éculée, le saloon et le cimetière. Mais le choix à venir du charpentier-croque-mort de la ville (une prise de parti intéressante sur le papier) entre le Bien qui ne le fait pas vivre et le Mal qui fait la prospérité de ses affaires se fait un peu trop mollement pour être convaincant. Pourtant une lumière crépusculaire aussi belle que pesante et une tension qui ne faiblit pas font qu'on attend un climax qui ne vient pas. Dommage. Je vois moins Cusack-Dutch Albert comme un hors-la-loi que comme un révélateur, l'esprit malin de la mauvaise conscience, de l'individualisme et des rêves avortés des premiers pionniers américains, une terre vierge où tout était possible humainement. Dans toute conquête, il y a de l'avidité, de la peur, du désir, de la colère que le personnage de John Cusack, apparu comme par le voeu inavoué de toute la communauté, provoque et sonde. Un western sans cow-boys, mélancolique et sombre, qui manque de force et de perspective claire.