New Year’s Evil, Emmett Alston, U.S.A, 1980, 96 min

Moins mauvais que dans mon souvenir, mais comme je n’en avais aucun… Exploitation pure et dure d’un genre en pleine vague de popularité, « New Year’s Evil » reprend le principe de la fête qui tourne au massacre. Si le jeu de mots du titre est amusant et bien trouvé, le film est vraiment très bof, et fait pour les mauvaises raisons. Mais avant de commencer à en parler, il est important de procéder sans plus attendre à une alerte « Golan/Globus ».


« Mais Stork, c’est quoi une alerte “Golan/Globus” ? » me direz-vous.


Et bien, c’est très simple, cher lecteurices laissez-moi vous présenter la chose comme il suit : Menahem Golan et Yoram (ici Yorum…) Globus sont deux producteurs israéliens, venus aux États-Unis dans les années 1970, pour y produire des œuvres d’exploitations. Investir principalement dans des films de genre pas très connu hein, avec des budgets réduits, qui surfent sur des modes diverses et variées, et qui peuvent, leur rapporter un maximum de pognon.


Menahem Golan et Yoram/Yorum Globus, ce sont les deux noms cachés derrière la société « Cannon », qui se fit une petite réputation dans les années 1980 en produisant un max’ d’actioner cheap. Parmi lesquels des titres qui donnent envie comme « Exterminator 2’’ (1984), “Ninja III : The Domination” (1984) ou encore “American Ninja” (1985), avec le légendaire Michael Dudikoff, comédien dyslexique au talent incertain. Mais parfois ils ont aussi accidentellement produit d’excellents actioners, tel que “Runaway Train” avec Eric Roberts et Jon Voight, qui marque le premier rôle au cinéma d’un certain Danny Trejo…


Mais, Menahem Golan et Yoram/rum Globus sont surtout responsables d’un bon paquet de merdes au rabais, parmi lesquels pas mal de films avec Chuck Norris (comme les « Portés Disparus »). Mais aussi le premier vrai rôle de Van Damme au cinéma (en gentil) dans l’incompris (et incompréhensible) « Cyborg » de 1989, ainsi que quelques Stallone au creux de la vague. Bref, Golan/Globus c’est deux noms qui sentent bon la qualité.

C’est ironique.


En 1980, ils décident de surfer sur une nouvelle vague qui fait fureur, je vous le donne en mille : le Slasher. Pour ce faire ils confient la réalisation à un… réalisateur… avec pour mission de… le mieux est de faire confiance à cette retranscription historiquement authentique qui vous est proposée ci-dessous, entre Golan/Globus et Emmett Alston :


Menahem Golan : « Bon, J’Ai vU uN dOcUmEnTaIrE sur la jeunesse américaine. Alors on va faire un film avec un tueur fou qui tue des gens. Dans le doute on va taper un peu sur tous les tableaux. Tu me mets une jeunesse punk/glam/new wave droguée, qui danse en transe sur du rock. Tu me balances un peu de culs aussi, mais pas trop, faut que ça reste grand public. Tiens voilà quelques dollars, essaye de nous bricoler un truc dans l’air du temps. Et vite, je suis pressé du retour sur investissement. »


Yora/um Globus : « Je SuIs PrOdUcTeUr. »


Alors, qui est le réalisateur Emmett Alston ? Cinéaste accompli, il est reconnu pour des œuvres aussi profondes que « Nine Death of the Ninja » (1985), « Force of the Ninja » (1988) ou bien encore « Little Ninjas » (1993), après il a arrêté. Mais le plus intéressant est très certainement son premier film, tourné en 1979 « Three-Way Week-End ». Il conte l’histoire de deux femmes bisexuelle stalkées dans les bois par un pervers dans un costume de gorille et un policier équipé d’un fouet qui pense que tout le monde est communiste. D’autres personnes apparaissent de nulle part, ils prennent tous de la drogue, s’adonnent au sexe sans vergogne et seul un esprit malade peut trouver les mots pour définir ce qui s’en suit…

Un type dont le CV semblait tout à fait adéquat pour mettre en scène un véritable Slasher donc.

C’est ironique.


Le résultat des courses, c’est qu’on se retrouve avec l’interprétation d’une jeunesse complètement fantasmée, tel qu’elle pourrait justement être perçue au travers du regard d’un vieux producteur libidineux de 45 ans. Qui un jour, a vu un reportage à la télé, et s’est dit « ça, c’est la jeunesse américaine ?? Il faut faire quelque chose ». Derrière son épaule, son comparse Yoraum Globus s’exclamant à nouveau de vive voix : « Je SuIs PrOdUcTeUr. »


Et si seulement ça s’arrêtait à la jeunesse, non, ils ont aussi visiblement vu un documentaire sur les hôpitaux psychiatriques. Ou tout simplement, ils ont regardé « One Flew Over the Cuckoo’s Nest » et ont demandé aux acteurs les moins doués du monde de jouer des fous… Pas d’incarner des fous, non, mais bien d’imiter d’une certaine idée de la folie, issue du cerveau commun et atrophié de deux producteurs nuls.


Et que ça fume des joints, et que ça baise… Et que ça fume des joints en baisant. Oui parce que quitte à faire un film de genre qui plait au jeune, autant mettre TOUT ce qu’il est possible d’interpréter de traviole. Et le métrage se ramasse ainsi dans sa propre merde, traduite par une débauche de conventions et de codes incompris, empilés les uns aux autres, sans aucun sens de la cinématographie. Ce qui au passage offre un bon point de vue sur comment naissent les clichés au cinéma : par l’incompétence de quelques criminels cinématographiques notoires.


Des codifications utilisées par des branques c’est un peu comme une personne qui voit quelqu’un bâiller. Par réflexe, les neurones miroirs entrainent un bâillement retour, sauf qu’ici les neurones miroirs sont complètement pétés, et pousse le mimétisme tellement à l’extrême que ça fait vomir cette pauvre personne. Imitation outrancière et nauséabonde, cette production dégomme la « jeunesse » occidentale en perdition : dépravée, androgyne, hors de contrôle et foncedée, elle fume des joints, pratique le sexe hors mariage, et traine dans des caves à néons. Cette vision correspond au trip Sex Drug & Rock Roll fantasmé par un pépé dans son bureau, qui n’a pour fenêtre sur le monde que les chaines en info continue… où il puise certainement son inspiration.


Zéro message, zéro sous-texte, cette production bête et méchante évite néanmoins les boobs gratuits à tout va (certes ce n’est pas un mal, mais c’est aussi un bel exemple de puritanisme).

‘’New Year’s Evil’ c’est également l’un des premiers Slashers ou la première victime est afro-américaine, ce qui deviendra un cliché beaucoup moqué par la suite (et pour cause). C’est ici une femme (bien entendu), qui est l’assistante/nounou de l’héroïne, une bien belle position sociale donc, et une représentation pas du tout orientée de la communauté afro.


Et voilà d’où vient la réputation réac’ des Slashers, c’est à cause de ce type de produit, qui ne comprend absolument rien au genre, mais cherche à imiter une recette. Essayez de faire un gâteau, juste en regardant quelqu’un en faire un, et ensuite vous refaites pareil… Y’a peu de chance que ce soit une réussite. Et bien là, c’est pareil. C’est ce que retranscrit ce pauvre métrage. Sorti en décembre 1980, c’est là l’un des plus probants exemples d’un retour du conservatisme bien réac’ dans l’Amérique eighties (Reagan est élu en novembre…). Pourtant, l’ensemble de la production de cette période se montre majoritairement “féministe” et propose une image plutôt progressiste de la femme. Le genre du Slasher s’y prêtant d’ailleurs plutôt bien, mais le film d’Emmett Alston, prend lui une direction opposée.


Mal filmées, mal jouées, mal cadrées, mal montées, rien ne va, ce qui, face à l’adversité, devient un peu fascinant. Le film offre ainsi la possibilité de décortiquer, à la truelle, tous les codes grossièrement utilisés. Toutefois, Kip Niven, qui interprète le tueur est plutôt bon et convaincant, contrairement à l’ensemble. Mmention spéciale à Roze Kelly, le rôle principal, qui en fait des caisses de champagne vide…


Ça ne fait jamais peur, ce n’est jamais choquant, ça n’a aucun enjeu, ça n’apporte aucune réflexion. C’est juste une vision de la jeunesse américaine vue par deux vieux producteurs israéliens. Qui ne comprend rien aux modes “New Age”. Comme lors de cette séquence où une blonde ingénue un peu bécasse parle de méditation transcendantale, juste avant de se faire étouffer avec un sachet remplit de cannabis. Il est clair le message là ou pas ?


Alors en 1980 peut être que « New Year’s Evil » pouvait faire illusion (pas de bol pour ceux qui pensaient voir une sorte de sous-Halloween bien branlée), car c’était les premiers pas du genre. Mais avec 40 ans de recul, c’est une autre histoire, et l’arnaque est plus qu’évidente. Rien n’est à sauver tellement ça pique les yeux. Zéro tension, et un final complètement éclaté, où la “Final Girl” se révèle en fait être une mauvaise personne, une mauvaise épouse (sic) et une mère abusive, qui aurait même quelques penchants incestueux avec son fils adolescent. De plus, la dernière scène annonce sa mort à la radio, faisant du message du film l’un des plus douteux.


Du coup, comme ça baigne en toute complaisance dans la copie et la redite, il est possible d’éprouver un certain plaisir, malsain, dans la manière de manier le cliché. En fait, c’est le genre de film absolument parfait pour faire un jeu à boire avec de l’alcool à brûler. Bien entendu. Frappant tellement au hasard, sur un peu tout et n’importe quoi, en essayant d’empiler un peu tout sur n’importe quoi, au final, tant bien que mal, ça ressemble à un Slasher. À côté de la plaque, nul et téléphoné, mais un Slasher quand même. Malgré un twist final amusant, le fait de voir le tueur de visu dès le départ, enlève toute la dynamique mystique du boogey man.


Et pourtant, il y avait moyen de faire quelque chose. Le tueur qui se déguise en prêtre, qui plante un motard facho et violent (souvent de paire), qui avec ses potes motards fachos et violents, font des trucs de motards fachos et violents, comme… de la moto ! Quelques idées sont bonnes, et le récit bénéficie de quelques fulgurances, mais il ne va jamais dans la direction la plus logique, empilant les poncifs, sans grandes inspirations, sans volonté de faire semblant de tenter un truc un peu artistique.


Menahem Golan : « Artistique ?? Mais surtout pas !! On veut de la thune !! »


En beau jeune homme souriant et séducteur, la représentation du tueur se place dans la mouvance de Ted Bundy (cité dans le film), dont la popularité à la fin des seventies a défrayé la chronique, par sa normalitude : un époux bien sous tout rapport, un père attentionné et un membre parfaitement intégré de la communauté. Mais le parallèle s’arrête là, pas de début de réflexion ni d’approche métaphorique sur la nature du mal, comme peuvent l’être Michael Myers ou Freddy Krueger. Non, parce qu’on est dans un film de feignasse, et que Menahem Golan a dû avoir l’idée de faire ce film après avoir vu un documentaire sur Ted Bundy…


Menahem Golan : « Hé, Youram, J’Ai vU uN dOcUmEnTaIrE ! Ce serait bien d’en faire un film. »

Ce à quoi son fidèle comparse Yuoram Globus a dû répondre : « Ça tombe bien, NoUs SoMmEs PrOdUcTeUrS. »


Marrant à voir pour sa nature particulièrement droitière, témoin du virage conservateur de l’Occident des années 1980, et pourquoi pas une fois avoir fait le tour des meilleurs Slashers de l’âge d’or du genre. Mais en vrai, ça reste quand même assez nul.


-Stork._





Peeping_Stork
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Slashers

Créée

le 21 oct. 2022

Critique lue 171 fois

Peeping Stork

Écrit par

Critique lue 171 fois

D'autres avis sur New Year's Evil

New Year's Evil
Peeping_Stork
3

New Year’s Evil, Emmett Alston, U.S.A, 1980, 96 min

Moins mauvais que dans mon souvenir, mais comme je n’en avais aucun… Exploitation pure et dure d’un genre en pleine vague de popularité, « New Year’s Evil » reprend le principe de la fête qui tourne...

le 21 oct. 2022

New Year's Evil
HenriMesquidaJr
5

Critique de New Year's Evil par HENRI MESQUIDA

C'est très faiblard. les acteurs sont mauvais , la mise en scène faiblarde et le scénario à trou. Mais je ne déteste pas quand même. Il y a la scène de l’ascenseur à la fin aussi débile qu'amusante...

le 3 févr. 2016

Du même critique

The Way Back
Peeping_Stork
10

The Way Back (Gavin O’Connor, U.S.A, 2020, 1h48)

Cela fait bien longtemps que je ne cache plus ma sympathie pour Ben Affleck, un comédien trop souvent sous-estimé, qui il est vrai a parfois fait des choix de carrière douteux, capitalisant avec...

le 27 mars 2020

16 j'aime

6

Gretel & Hansel
Peeping_Stork
6

Gretel & Hansel (Osgood Perkins, U.S.A, 2020, 1h27)

Déjà auteur du pas terrible ‘’I Am the Pretty Thing That Lives in the House’’ pour Netflix en 2016, Osgood Perkins revient aux affaires avec une version new-Age du conte Hansel & Gretel des...

le 8 avr. 2020

14 j'aime

2

The House on Sorority Row
Peeping_Stork
9

The House on Sorority House (Mark Rosman, U.S.A, 1982)

Voilà un Slasher bien particulier, qui si dans la forme reprend les codifications du genre, sans forcément les transcender, puisqu’il reste respectueux des conventions misent à l’œuvre depuis 3 ans,...

le 29 févr. 2020

11 j'aime