Damas n'est pas au bord de la mer, à 80 km de la Méditerranée, mais cela n'empêche pas les deux héroïnes de Nezouh d'en rêver, elles qui subissent la guerre à Damas, dans leur maison éventrée par un bombardement. Si Soudade Kaanan a réalisé ce film, c'est avant tout pour montrer qu'avant d'être exilés, les futurs réfugiés sont des êtres humains comme les autres, attachés à leur maison, à leur famille et à leur pays, et contraints au déracinement quand leur vie est en danger. La maison, défigurée, est le cœur du film, un endroit fermé habituellement et soumis à l'autorité du père, et qui, ouverte à tous les vents, devient symbolique de changement radical y compris à l'intérieur, avec une émancipation féminine qui se lève. Nezouh se refuse au drame pur et fait appel aux ressources du réalisme magique, avec modération et une poésie simple. Néanmoins, le film ne perd jamais de vue la situation syrienne, notamment dans la traversée de Damas, désormais en ruines. Au côté du personnage du père, un tantinet outré, l'on retient surtout le dialogue intergénérationnel entre une mère et une fille, la première imaginant la seconde s'affranchir de la tradition pesante du patriarcat dans une vie nouvelle. Dans un film qui rejette le pathos et ne désespère pas de l'avenir, le caractère universel et hélas très actuel du récit en fait tout le prix.