Un vrai film d'aventures...
Découvrir un film totalement en salle sans avoir lu une seule ligne le concernant, sans avoir heurté un spoiler lors d’une lecture sur le web, sans avoir eu vent de près ou de loin de ce long...
le 7 mars 2020
Découvrir un film totalement en salle sans avoir lu une seule ligne le concernant, sans avoir heurté un spoiler lors d’une lecture sur le web, sans avoir eu vent de près ou de loin de ce long métrage, en 2020, s’avère rarissime et pourtant c’est possible ! Ainsi, lorsque je me suis assis au troisième rang, dernier fauteuil à gauche (j’aime être précis et surtout un brin psychopathe puisque je pose mon séant toujours au même endroit) de la salle n°1 de la Cinémathèque de Toulouse, j’ignorais tout de Ni dieux, ni maitres occultant même, pour cette séance, la lecture du précieux petit programme édité à cette occasion. C’est donc empreint d’une curiosité émoustillante que je me suis plongé dans ces aventures médiévales. L’histoire se déroule en 1215 dans un petit village sur lequel règne un seigneur isolé, Ocam (Pascal GREGGORY), héros des croisades mais petit tyran à l’égard de ses sujets. Ocan vit reclus dans son château en décrépitude entouré de quelques mercenaires à sa solde, rongé par ses souvenirs glorieux et un ennui noir dans lequel il se morfond. Les villageois eux mènent une existence désœuvrée et rude, menacés par la lèpre, les bandits de grands chemins et sous le joug d’Ocam aussi impitoyable qu’imprévisible. Peu après qu’ils ont recueilli et soigné un étranger (Saleh BAKRI) qui a secouru Laure (Jenna THIAM), cette dernière est enlevée par Ocam pour une sorte de « droit de cuissage » qu’il s’octroie. Aidés par l’étranger, quelques hommes foncent vers le château pour secourir la jeune femme dont la virginité n’est plus qu’une question de minutes…
Si le récit ne brille pas d’une originalité absolue, il a le mérite de s’inscrire dans un angle vériste montrant à l’écran toute l’âpreté et la dureté d’une époque. Bien souvent, les films sur le Moyen-Age et je parle sous le contrôle de mon ami et spécialiste Yohann CHANOIR ne s’embarrassent pas des anachronismes et des approximations. Éric CHERRIERE s’est attaché à s’approcher au plus près de cette réalité : l’exclusion des lépreux errant dans des sous-bois limitrophes du village, les rapports entre seigneurs et vassaux, la dangerosité et la violence des chemins ou encore le rôle de la grand-mère, sorte de « sorcière » qui a des connaissances médicinales. Dans le débat qui suivait la projection, Éric CHERRIERE affirmait qu’il s’était inspiré des premiers chapitres de l’ouvrage essentiel de Jules MICHELET, La Sorcière. Il est vrai que le Moyen-Age ne se résume pas aux batailles, aux traités et aux conquêtes mais également aux populations, aux us et coutumes, à la manière de vivre et aux croyances… Cette grand-mère, un personnage qui n’a pas de prénom comme pour renforcer son aura mystique, est incarnée par Edith SCOB, muse de FRANJU (Les yeux sans visage) pour son dernier rôle au cinéma. Autre particularité, le film a été conçu sans cynisme ou « posture » vis-à-vis d’un genre, le cinéma d’aventures. Le réalisateur ne se met pas au-dessus de son sujet et le traite avec un respect qui a malheureusement disparu de bien des productions. Ni dieux, ni maîtres file même à contre-courant des standards actuels en matière de rythme, de montage, de dialogues. Le long métrage est très « parlé », très littéraire et sonne comme une déclaration d’amour aux films d’aventures des années 60 à la fois naïfs et palpitants, feuilletonesques dans le traitement de leur sujet. L’œuvre flirte même avec un certain onirisme, aux lisières du Fantastique quand le seigneur et ses guerriers, enivrés, rejouent des scènes de leurs glorieux exploits, se muant en pantins désincarnés, marionnettes d’une fatalité et d’une existence vaine.
Les amateurs d’action ne seront pas en reste, les combats sont nombreux, chorégraphiés par Jérôme LE BANNER, aussi au générique, montagne de muscles impressionnante, parfait dans son personnage de brute sanguinaire. Pascal GREGGORY, dans la défroque d’Ocam, s’avère également parfait en seigneur vieillissant, prisonnier de ses démons. J’ai particulièrement apprécié la performance de Flore GRIMAUD, en épouse cruelle du seigneur, à la fois harpie féroce et femme délaissée. Il faut noter également la présence de Jean-Claude DROUOT, Thierry la Fronde dans une des plus illustres séries de la télévision française.
Certes, le film n’est pas parfait et le réalisateur abuse parfois de séquences où nous voyons les protagonistes courir vers leur destin mais pour sa sincérité, sa singularité, son ton propre et original, Ni dieux, ni maitres mérite d’être découvert par un plus large public. Enfin, le film est dédié à Maurice POLI, particularité qui m’a sauté aux yeux à la lecture du générique final, j’ai d’ailleurs posé la question au réalisateur qui m’a fait part de son amitié indéfectible pour le comédien de Poker d’as pour Django, Croc Blanc (version FULCI), Chiens enragés de Mario BAVA et des dizaines d’autres, une raison admirable supplémentaire de soutenir ce film.
Créée
le 7 mars 2020
Critique lue 645 fois
D'autres avis sur Ni dieux ni maîtres
Découvrir un film totalement en salle sans avoir lu une seule ligne le concernant, sans avoir heurté un spoiler lors d’une lecture sur le web, sans avoir eu vent de près ou de loin de ce long...
le 7 mars 2020
C'est un film très courageux qui s'affranchit de nombreux codes, qui est conscient d'aller à l'encontre de la plupart des attentes de son public. Je fais partie de ce public démuni face à un objet...
le 12 févr. 2020
alors voilà un film que je n'aurais jamais été voir en dehors du cadre d'un festival. Une histoire basique: un étranger arrive dans un village et après un petit jeu de séduction avec une des filles...
Par
le 13 sept. 2019
Du même critique
Adieu les cons. De Dupontel, j'adore Bernie, premier film brut et brutal, joyau incandescent certes imparfait mais généreux et profondément nihiliste. Depuis, j'ai l'impression qu'il refait toujours...
le 2 avr. 2021
1 j'aime
Mis en chantier quelques mois après Un justicier dans la ville (Death Wish), L’uomo della strada fa giustizia reprend l’argument du film de Michael WINNER à savoir la métamorphose lente mais...
le 25 févr. 2020
1 j'aime
3
Malgré la centaine (voire davantage) de gialli évoqués dans Médusa Fanzine, nous n’avions pas encore consacré un chapitre au captivant Terreur sur la lagune réalisé en 1978 par le peu prolifique...
le 25 févr. 2020
1 j'aime