Qu'on le veuille ou non, la question purement rhétorique (et somme toute absconse) inhérente au film est une fausse piste et, paradoxalement, l'un de ses grands enjeux : s'agit-il d'un documentaire ou d'une fiction ?
C'est une fausse piste car, au final, on s'en tampone un peu le coquillard : Nick's movie se veut avant tout un film, au sens le plus large du terme, un hommage à l'un des cinéastes les plus sous-estimés qui soit, à savoir Nicholas Ray. C'est l'un de ses grands enjeux car tout repose dans cette approche indéfinissable de Wenders, tour à tour témoin des dernières semaines de Ray et trop pudique (je préfère y voir du respect voir de l'affection) pour filmer de manière directe la mort d'un géant.
Nick's movie est un film déstabilisant, où Ray parle un peu de lui et pas mal de cinéma tandis que Wenders fait l'inverse. Les scènes se suivent sans se ressembler, parfois les liens sont compliqués, et l'apothéose du film-testament franchement expérimental de Ray, comme issu de son inconscient autrefois alcoolisé et drogué, finit de mettre le spectateur k.o.. Il y a une forme de radicalisme dans Nick's movie qui peut séduire autant qu'elle peut agacer, ce qui fait mon cas à 50-50.
Pourtant, derrière un double portrait égocentrique, celui d'un réalisateur et de son sujet, derrière un jeu de miroir de mises en scène (Wenders dirigeant Ray, et inversement) se cache une oeuvre qui n'a nulle autre pareil. Peut-être mérite-il, pour être apprécié à juste titre, un élément que Ray n'aura finalement jamais eu : du temps.