Nickel Boys est un film de prison assez classique sur le fond, avec les passages obligés que sont l'excès de zèle des geôliers, les erreurs judiciaires et la violence entre les prisonniers. Là où le film se différencie nettement c'est sur sa forme, mêlant images d'époque, extraits de journaux, caméra en POV et réalisation ultra inspirée.
Il est donc très étrange que ce film soit autant critiqué sur sa forme, car sur le fond, il raconte une histoire déjà vue. Certes, les 10 premières minutes qui nous préparent visuellement sont difficiles, mais il faut se laisser emporter par cet ovni.
L'immersion est poussée à un niveau vidéo ludique, avec un ressenti âpre, parfois maladif (la scène du bar, celle de la punition), grandement aidée par une bande son puissante. Comme nous découvrons la Nickel Academy à travels un prisonnier, le film ne nous montre jamais la totalité des informations, ni l'envers du décors. Seulement la vie et les injustices successives dont il est témoin lui même, interné pour un crime qu'il n'a pas commis, victime lui même du racisme systémique et des violences de l'institution.
Plutôt que d'en faire une histoire chorale, qui chercherait la puissance d'un Moonlight ou des Évadés, Nickel Boys se borne en ne se détachant jamais des yeux de deux enfants. L'un est révolté, l'autre est cynique. Leurs deux visions montrent l'ampleur d'un problème qui ne s'arrête pas aux portes du pénitencier. "Ici ou dehors, c'est pareil, ils n'ont juste pas à se cacher".
Autre différence notable avec les classiques du genre : l'antagoniste principal est le système, pas les hommes. Certes, Hamish Linklater joue un geôlier un peu trop chevronné, mais il n'est qu'un rouage du problème, et n'a d'ailleurs aucune relation particulière avec les deux héros. Il est même présenté comme "moins pire" que son prédécesseur.
Film intense et lucide, Nickel boys se termine sur des réflexions de plus en plus dures sur la lenteur que prend la société à réparer l'injustice, l'imprégnation profonde du racisme dans la société américaine