Au vu de mon pseudo vous aurez assez vite compris que City Hunter est important et compte beaucoup pour moi. Je dis bien "City Hunter" et non Nicky Larson car gamin je trouvais ce dessin animé très moyen, tout comme Hokuto no Ken, c'était deux anime destinés aux adultes édulcorés par une censure visuelle d'une part et des doubleurs en roue libre de l'autre. Ce ne fût qu'à l'adolescence avec la sortie du manga chez l'éditeur "J'ai lu" que je suis véritablement tombé sous le charme de ce manga qui encore aujourd'hui reste le chef d’œuvre de son auteur Tsukasa Hojo.
Le Japon n'échappe pas à la grosse vague de nostalgie des 80's avec le revival de beaucoup de licences comme Dragon Ball, Captain Tsubasa ou encore Saint Seiya pour ne citer qu'eux. Alors que tout le monde attendait un nouveau film en 2015 pour fêter les 30 ans du manga, c'est finalement l'année dernière qu'a été annoncé ce nouveau film sous le nom de "City Hunter 2019" dont le titre a changé plus tard en "Shinjuku Private Eyes".
Voir un nouveau film City Hunter on attendait ça depuis 20 ans, il était donc normal que pour assouvir mon rêve d'adolescent il fallait que je voie ce nouveau métrage au Japon, à Tokyo et plus particulièrement à Shinjuku. Et bien m'en a pris puisque la toute première séquence du film s'ouvre avec une séquence qui a pour décor de fond le cinéma Toho et son Godzilla dans lequel j'étais justement en train de regarder le film... Cela m'amène au premier point : la temporalité du récit.
Si City Hunter se passait dans les années 80 et 90 au moment où Hojo dessinait son manga, l'action de ce nouveau film a été transposée à notre époque en 2019. C'est important car il a fallu que l'univers de City Hunter s’adapte à notre époque. La technologie a beaucoup changé depuis 25 ans, le tableau noir où on inscrit le fameux XYZ a donc laissé sa place à une application de téléphone portable en réalité augmentée et c'est plutôt bien trouvé. De plus Shinjuku et Kabukicho jouaient un rôle central dans le manga et les changements (surtout Kabukicho) ont été spectaculaires et radicaux depuis 10-15 ans. Kabukicho le quartier chaud de Shinjuku qui autrefois n'était pas tout publique est devenu aujourd'hui une zone ultra touristique, même si il reste encore pas mal de business assez louches sous le joug des Yakuza une fois la nuit tombée.
Un des points faibles du film est son scénario et plus particulièrement les motivations du méchant loin d'être convaincantes mais qui ont le mérite de placer Shinjuku non seulement au cœur de l'histoire mais également d'en faire un personnage à part entière. Ainsi comme je le disais auparavant on peux voir tous les lieux emblématiques allant du Golden Gai au Shinjuku Koen en passant par la nouvelle terrasse de la sortie sud avec vue sur le Takashimaya et les trains en contrebas. D'ailleurs alors que sur le tout premier visuel posté sur Instagram à l'époque, on pouvait lire "Lamine" depuis ils se sont arrangés et dans le film c'est bien "Lumine" qui apparaît à l'écran. En effet le "My City" du manga avait été changé en "Lumine" après avoir été racheté par la JR en 2006. Il y a d'ailleurs une planche du manga Angel Heart (chapitre 226) où on peut voir le changement d'enseigne s'effectuer.
Si Lumine est bien présent tel quel c'est que ça fait partie d'une stratégie de placement de produits ou collaborations avec les marques. D'autres enseignes comme le panneau de pub pour Book Off ou Isetan sont soit mal orthographiés volontairement soit représentés par des symboles illisibles. Faire une collaboration avec Lumine n'est pas une mauvaise chose car ça permet de se repérer et de donner une touche de réalisme dans le récit par contre la collaboration avec la bière de Suntory est un peu trop appuyée avec gros plans dessus 2 ou 3 fois et un "Hum trop bon cette bière !" c'est un peu too much.
Bon et sinon le film en lui même ? Et bien ça joue à fond la carte de la nostalgie avec du fan service à gogo, on nous balance toutes les musiques emblématiques de l'anime durant tout le métrage, parfois juste en musique de fond comme Running to horizon lors d'un shooting photo et parfois pour accompagner une scène d'action. Voir Umibozu, Miki et Ryo dégommer tout le monde sur du Footsteps c'est tous les bons feelings qui reviennent instantanément. Évidemment derrière le procédé, il y a aussi l'idée de vendre les CDs qui contiendront du coup tous ces morceaux. C'est gagnant / gagnant car le néophyte n'y verra que du feu alors que les fans auront la banane à chaque morceau.
Niveau animation et direction on a fait appel à Kenji Kodama qui est un vétéran de l'industrie et qui connait bien la maison puisqu’il avait déjà bossé sur les séries et films City Hunter. En voyant le premier teaser du film j'avais eu un peu peur mais le dernier trailer m'avait rassuré. L'animation est dans l'ensemble très réussie, tout comme le chara design qui passe finalement assez bien. Néanmoins on sent un manque de budget : sur pas mal de plans le visage de Ryo n'est pas toujours très bien dessiné et il n'y a jamais de plans larges lorsqu'ils sont dans son appartement. C'est un peu dommage car l'intérieur de l'appartement fait un peu vide mais ça demandait probablement trop de détails et ils se sont contentés de plans serrés sur le canapé.
C'est aussi le film qui je trouve réussi à capter le mieux l'esprit du manga. Notamment dans sa première partie, l'humour est omniprésent tout comme les "Mokkori" de Ryo même si ils ne sont pas représentés formellement, ça n'a jamais été le cas en dehors du manga. Les blagues et l'humour marchent très bien comme quand Ryo propose à Ai d'aller voir les illuminations de Shinjuku. Les doubleurs ont tous rempilés et Akira Kamiya est toujours au top en Ryo Saeba, il maîtrise les variations entre les moments d'humour et de sérieux à la perfection. Par contre on sent que Kazue Ikura qui double Kaori a pris de l'âge et il y a du coup un petit contraste avec son personnage.
Le film s'adresse donc aux fans de City Hunter avant tout, d'ailleurs dans la salle il y avait beaucoup de quarantenaires et cinquantenaires et peu, voir aucuns étudiants ou écoliers. D'où l'utilisation de la carte fan service et ça marche à la perfection, j'ai eu parfois les larmes aux yeux (de bonheur), beaucoup la banane et des petits pincements au cœur. Le métrage fait office à la fois d'hommage et de best of. Si j'ai un regret sur le scénario, léger spoil :
Dommage que Ryo n'ait pas de véritable antagoniste à sa hauteur comme ça avait pu être le cas dans Goodbye my Sweetheart par exemple. Le film tease le personnage du garde du corps du méchant à plusieurs reprise pour finalement ne rien en faire.
Jusque dans le générique de fin qui est extraordinaire City Hunter : Shinjuku Private Eyes m'aura comblé et j'aurais enfin pu vivre un de mes rêves de gosse. Merci tout simplement.
PS : note fan 9/10. Note plus objective : 7/10.