Critique de Nico, 1988 par Ygor Parizel
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En 1968, Andy Warhol déclarait qu’ « à l'avenir, chacun aurait droit à 15 minutes de célébrité mondiale ». Ce quart d'heure il l’a donné à Nico, jeune mannequin d’origine allemande, en l'imposant au Velvet Underground, groupe de rock de son orbite artistique qui débutait sa carrière. Chanteuse à la voix grave, intense et sépulcrale, Nico est présente sur quatre chansons de leur premier album The Velvet Underground and Nico, fameux album à la pochette banane, qui deviendra une des grandes références du rock. Nico quitte assez rapidement le groupe et commence une carrière solo. En France, celle-ci culminera le 13 décembre 1974 lors d’un concert historique et mémorable dans la cathédrale de Reims. Le scandale ayant fait grand bruit, une «messe de purification des lieux » avait été célébrée une semaine plus tard.
Mais ce ne sont pas ces années paillettes et gloire qu’évoque Nico 1988, choisissant, à rebours des biopics hollywoodiens, l’évocation des dernières années de la chanteuse, moins glorieuses. Le film retrace une tournée européenne commencée en 1986. On est loin des fastes et de la splendeur new-yorkaise : hôtels de seconde catégorie, organisateurs de concert défaillants, dépendance à l’héroïne parfois difficile à se procurer, groupe composé principalement de musiciens de deuxième ou de troisième rang, trajets entassés à une dizaine de personnes dans un mini van, concerts devant quelques dizaines de spectateurs. A Prague lors d’un concert pas tout à fait déclaré, la police intervient et boucle la salle. La fiévreuse Nico semble puiser une énergie nouvelle dans l'interdit de l'événement et le risque encouru. Pour la première fois dans le film elle semble s'amuser.
Ce qu’évoque ce film, c’est la tentative de Nico de redevenir elle-même. Elle, éternellement habillée dans les mirages artistiques des autres, est finalement représentée à l'écran pour qui elle était vraiment. Elle qui n'aimait pas qu'on lui rappelle The Velvet Underground et préférait jouer sa propre musique ; réfutait son pseudo et souhaitait qu’on l’appelle de son vrai nom, Christa, ou se préférait abimée mais heureuse plutôt que belle et malheureuse « Suis-je moche ? « demande-t-elle à son manager qui lui répond par l’affirmative. Et de répliquer « Bien ! Je n'étais pas heureuse quand j'étais belle ».
C’est le portrait de la chanteuse épuisée par le plus prétentieux des mondes, mannequinat, art, musique et star-system, ces mondes qu’elle veut oublier mais qu’on ne cesse de lui rappeler les yeux écarquillés. Le portrait d’une femme directe, capricieuse, amère, souffrante, solitaire et brisée, parfois désarmante ou drôle, enfin réconciliée et aimante de son fils qui lui avait été enlevé.
Le film dessine cette quête et cette vérité d’elle-même et de son passé. Elle dont la musique était avant-gardiste et funèbre, obsessionnelle enregistreuse des sons qui lui rappelaient ceux qu'enfant elle entendait et qui ne la quittaient jamais, qui continuaient à résonner dans ses oreilles et la hantaient, le bruit des bombes larguées sur Berlin à la fin de la 2nd guerre mondiale.,
Trine Dyrholm qui a prêté son corps et sa voix à Nico est absolument sensationnelle et porte le film sur ses épaules
Une coproduction italo-belge, un peu passée inaperçue en France, disponible en DVD.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Films peu vus...et c'est dommage et Cinéma d'ITALIE
Créée
le 18 nov. 2021
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