Le souci d’un film comme Night Call, c’est qu’il peine tellement à entretenir le cynisme désabusé qui le motorise que, rapidement, la satire sociale pour les nuls qui le nourrit finit par l’handicaper au lieu de le stimuler davantage. Si son premier tiers est rendu amusant par une didactique de la dénonciation dans l’exemple particulièrement osée, passées les 60 minutes d'antenne, la surenchère constante comme unique moteur de l’action ne suffit plus. Pire, lorsque tout a été dit, que notre génial salopard de l’image en recherche de scoop, très joliment investi par un Jake Gyllenhaal diabolique, nous prouve pour la dixième fois qu’il est un enfoiré de compétition presque sans équivalent (même s’il se trouve une partenaire de luxe à la psyché presque aussi bousillée que la sienne —quel prouesse d’enlaidir à ce point Rene Russo—), on finit par se désintéresser du côté subversif que revendique un peu trop ouvertement le taquin Dan Gilroy. Résultat, si l’intérêt fut à son paroxysme pendant une petite heure, c’est l’œil distrait, l’esprit en veille, que l’on termine le film.

La faute à une mise en oeuvre qui se repose beaucoup trop sur sa bonne idée initiale mais ne propose jamais vraiment rien d’autre pour enrichir le produit visuel qui se construit. Il est pourtant question d’un as du cadre qui filme des cadavres comme d’autres mettent en lumière des corps humides à l’exercice, et pourtant à aucun moment Night Call ne parvient à se forger une identité visuelle stable, ni même à simplement dégager quelque ambiance particulière de ses images. Pire, de chaque scène transpire une impression poseuse désagréable, témoignant d’un objectif maladroit qui cherche vainement l’angle de vue le plus tape-à-l’oeil sans jamais réussir à tirer quelconque potentiel graphique des lieux investis. Seule la fière Challenger, reine du bitume lorsque le soleil décline, parvient à inspirer le timide Dan Gilroy, qui se contente le reste du temps, de filmer des écrans, au petit bonheur la chance. Même constat pour le travail sonore qui est désespérément plat, sans idée, tout juste fonctionnel et encore.

Finalement, de Night Call, on ne retiendra que la prestation magistrale de Jake Gyllenhaal et une idée de départ salace qui avait un potentiel explosif indéniable. Mais il manque au film une ligne directrice moins ras du bitume et un peu plus d’idées dans sa mise en œuvre, qui reste assez plate finalement. Dans cette satire des médias à la recherche de l'image mortelle, choc même, cultivée par soif de sensationnalisme pour dénoncer le capitalisme maladif de nos sociétés modernes, il n’y a finalement pas grand-chose qui pop'. Dommage.
oso
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le 4 févr. 2015

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