Malgré des comédiens convaincants et un attachement sincère de la réalisatrice à son sujet, ce film retraçant une période charnière de la vie de Niki de Saint-Phalle n’échappe pas à l’écueil propres aux biopics, aussi vains que scolaires.
Paris, 1952. Niki Mathews (Charlotte Le Bon) est femme, mère, mannequin, actrice, et vit une histoire d’amour apparemment parfaite avec son mari Harry (John Robinson). Pourtant, c’est à ce moment précis que la dépression la frappe sans prévenir, la conduisant à un internement en hôpital psychiatrique. Malgré des traitements qu’on jugerait aujourd’hui inhumains, elle découvre sa véritable vocation artistique aux côtés des "fous" de l'asile. Peu à peu, Niki Mathews devient Niki de Saint-Phalle.
Céline Sallette, jusqu’alors prolifique comédienne, s’essaye ici à la réalisation avec ce premier long-métrage, retraçant une période charnière de la vie de l’artiste plasticienne (de 1952 à 1962), au moment où son génie artistique éclot. On comprend aisément pourquoi Niki de Saint-Phalle est une figure fascinante, inspirante et encore très actuelle. Cependant, on ne peut s’empêcher d’être déçu par la sagesse de ce biopic, qui reste finalement très prudent, assez classique et académique.
C’est d’autant plus dommage que Céline Sallette devait composer avec une contrainte qui aurait dû se révéler un atout : elle n’avait pas le droit de montrer à l’écran les œuvres de la plasticienne. Cette restriction offrait l’opportunité de se concentrer davantage sur la personne derrière l’artiste, à l'image du plan introductif, focalisé sur une excellente Charlotte Le Bon, tandis que l’essentiel de l’action se déroule hors-champ.
Malgré une réalisation soignée et de solides interprétations, il manque donc une étincelle, un souffle de folie, et un point de vue plus tranchant pour justifier l’existence de ce biopic au-delà d’une simple leçon de rattrapage « Niki de Saint-Phalle pour les nuls ». La première partie du film est complètement éclatée, fragmentée en une succession de scénettes de vie évoquant davantage une story instagram qu’un regard sans concession. Des artifices un peu vains, comme ces split screens marquant chaque rencontre clé de la vie de Niki ou ces flashbacks couleur sépiac renforcent ce sentiment de superficialité.
Le film gagne (légèrement) en consistance lorsque Niki embrasse pleinement sa vocation artistique, mais il demeure bien plus rangé et scolaire que son sujet. Nous sommes loin de l'esprit des "nouveaux terroristes" dont se revendiquaient Tinguely et ses contemporains. Si Les Tirs restent parmi les œuvres les plus iconiques de Niki de Saint-Phalle, il est cocasse de constater que son biopic, lui, manque sa cible.