Céline Sallette signe biopic intime de Niki de Saint Phalle, qui explore judicieusement les dix années fondatrices de sa trajectoire (1952-1961), un moment où l’angoisse se mêle à l’éclosion, où la douleur devient matrice de création. De ses débuts comme mannequin à son premier grand succès avec les Tirs, Niki raconte l’histoire d’une femme qui, à force de rage et de douleurs, a sculpté son œuvre.
Charlotte Le Bon prête à Niki son regard profond et vulnérable, une force fragile qui habite chaque plan. On la découvre enfermée dans un hôpital psychiatrique, écrasée par les souvenirs d’un viol. Mais sous cette apparente fragilité, la caméra capte une énergie inextinguible : celle d’une autodidacte qui, seule contre tous, s’arme de pinceaux, de couleurs et de couteaux pour transformer ses blessures en art.
Sallette adopte une approche singulièrement audacieuse en filmant “du point de vue des œuvres”. Les créations de Niki deviennent des personnages à part entière. Elles respirent, observent et jugent. Cette inversion des rôles brouille les frontières : l’art n’est plus seulement contemplé, il regarde en retour, interrogeant nos propres projections et jugements.
Le récit déconstruit les conventions du biopic classique, à l’image de l’art de Niki. La mise en scène traduit avec acuité le combat intérieur de l’artiste. Des scènes de tension, comme les premiers essais des Tirs, où Niki transforme des fusils en pinceaux, incarnent une rébellion à la fois politique et personnelle. On assiste à la naissance d’un art brut, instinctif, où chaque œuvre devient une tentative d'exorcisation des traumas et une affirmation de soi.
Céline Sallette signe un portrait nécessaire, un hommage à une femme qui a osé défier les cadres et transcender ses blessures. Torturée, lumineuse, résiliente, Niki de Saint Phalle renaît ici dans toute sa complexité, pour mieux nous rappeler que l’art, parfois, est la seule réponse possible au chaos du monde.