Que ce soit dans ses œuvres de fiction ou dans ses documentaires, le réalisateur Midi Z n’en finit pas de questionner les sociétés birmanes et taïwanaises, deux mondes entre lesquels il évolue. Titrant son cinquième long-métrage de fiction du nom de son héroïne, Nina Wu, il se penche à présent sur les possibilités offertes à un destin féminin, dans un univers livré au pouvoir des hommes et où l’image est reine : le domaine du cinéma.


Wu Ke-xi, qui incarne cette héroïne éponyme, porte le film sur ses délicates épaules, et cela à plus d’un titre : elle en a rédigé le scénario, qui fut ensuite retravaillé avec le réalisateur, jusque dans le détail de la conception de l’image, et elle est de tous les plans, portant jusqu’à l’incandescence un rôle qu’elle a conçu et exploré de l’intérieur, nourrie de ses expériences propres.


La thématique rejoint donc à la fois un questionnement bien contemporain et des affaires qui défrayent, de nos jours, les chroniques médiatiques : à quelles humiliations une actrice non encore révélée devra-t-elle consentir pour décrocher un premier rôle ? À quels abaissements, quelles atteintes, pour se voir enfin portée sur le devant de la scène ? Et où pourra, dès lors, se réfugier son désir ? De quelles manières ses rapports aux hommes et aux autres femmes, en seront-ils affectés ?


La grande intelligence de Midi Z réside dans le choix de tourner radicalement le dos à un réalisme journalistique qui aurait simplement replongé son spectateur dans les marécages que les actualités côtoient quotidiennement. L’adoption du point de vue féminin permet d’écarter le soupçon quant à l’authenticité des faits et de s’immerger dans leur ressenti terrifié. Les axes narratifs peuvent dès lors se multiplier et s’entrecroiser : le quotidien de l’actrice, ses démarches, ses luttes ; des bribes du film dans lequel elle trouvera enfin à se révéler ; ses phantasmes, ses souvenirs obsédants, ses rêves récurrents...


Le spectateur pourra par moments se retrouver flottant entre ces différents niveaux, confronté à un jeu entre plusieurs degrés de conscience dont David Lynch aime user également, mais il aura ainsi expérimenté, vécu de l’intérieur les tourments et les pertes de repères qui peuvent raviner de telles trajectoires, et cela tout en cheminant au cœur d’un superbe film, tout habillé de rouge.

AnneSchneider
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le 17 nov. 2019

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Anne Schneider

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