Avant toute chose, regardez bien le titre de l'article que vous lisez ou de la séance à laquelle vous allez/venez d'assister : Ninja Turtles. Tortues Ninja. Prenez bien la mesure du sujet : il s'agit d'un film sur des tortues. Des tortues-ninja. Voire des Teenage Mutant Ninja Turtles en VO (imaginez la traduction littérale : Tortues Ninja Mutantes Adolescentes). Que peut-on alors espérer d'un film comme celui-là ? Qu'il nous divertisse, bien entendu. Qu'il nous surprenne, éventuellement. Et c'est malheureusement sur ce terrain que Ninja Turtles n'a rien à faire valoir.
L'introduction fait peine à voir. Par-dessus un mini-hommage à la bande-dessinée et un clin d’œil pas très subtil au jeu Fruit Ninja, on nous explique simplement que quatre tortues ninja vont devoir combattre un gang et son chef qui détruisent tout. On passera outre l'éjection ultra rapide de la problématique rationnelle d'une tortue d'un mètre quatre-vingts qui parle, car ce n'est pas l'ambition de Ninja Turtles. Mais ça pique quand même nos cœurs de scientifiques.
Le réalisateur choisit alors de se focaliser sur la journaliste April O'Neil, censée être la protagoniste humaine, et campée ici par une Megan Fox dont la plastique - aussi superbe soit-elle - ne compensera jamais totalement le manque évident de talent. L'arrivée des tortues se fait attendre et lorsque, enfin elles apparaissent, c'est un choc. Elles sont laides. Affreusement laides. Retournez le problème dans tous les sens, vous en parviendrez toujours à la même conclusion. Les effets spéciaux ne sont pas ratés, c'est le design général qui gêne, coincé entre Shrek et une version difforme du célèbre dessin animé. C'est particulièrement frappant lors des gros plans. Gros plans que Liebesman semble - comme lucide face au problème - vouloir éviter le plus possible. Toujours est-il que lorsque l'on zoome un peu trop sur un ignoble rat géant quinquagénaire esthétisé uniquement par SFX, c'est moche. Terriblement moche.
Autre problème et celui-là est un peu plus objectif : le point de vue. L'exposition des tortues est balayée d'un revers de manche et les personnages humains sonnent extraordinairement creux ; on ne suit donc jamais vraiment l'un d'eux et l'on demeure incapable de se mettre à la place de mutants décérébrées ou d'adultes pas beaucoup plus élégants.
Si l'on était mesquins, l'on pourrait également attaquer le film sur son scénario ; mais l’argument paraît presque épuisé. Tout de même, il y a des facilités et des incohérences qui irritent très lourdement ; une histoire de photo et de décision des personnages notamment. À la réflexion, c'est un peu comme si Jonathan Liebesman - réalisateur - s'était librement inspiré du style Michael Bay - producteur - mais en l'épurant de tous ses bons aspects, pour n'en conserver que la pire couche, plutôt épaisse. On entend par là humour gras, placement de produit et méchant insupportable, ici conceptualisé comme un espèce de transformer bas de gamme, brutal et bruyant. On pourra aussi citer quelques astuces de mise en scène, elles aussi outrageusement pompées sur Bay mais pas tellement déplaisantes, telles que l'utilisation à outrance du lens flare, des prises de vues d'hélico classes, et certaines scènes d'action bien senties (hallucinante scène de descente d'une montagne enneigée).
Là où le film se plante totalement, c'est en fait dans ses choix extra-cinématographiques. Le public visé, premièrement, beaucoup trop enfantin pour qu'aucun autre l'apprécie vraiment. Mais aussi et surtout la parodie, et les références ratées à la culture pop. Quand Marvel propose, avec ses Gardiens de la Galaxie un épisode hilarant et débridé de comédie d'action cool, Ninja Turtles tente vainement de joindre le cadre réaliste - avec tout l'encombrement sur le métier de journaliste d'April par exemple - à celui du délire visuel véritablement décomplexé, et conscient de sa bêtise. Ce dernier aspect, il ne l'entreprend que trop rarement ; et, lorsqu'il le fait, le fait mal. Le film attend alors, coincé, perdu entre ces eaux-là, qu'il arrive à son propre terme, dans un vacarme qui a au moins le mérite de se contenter d'une heure quarante cinq. C'est amplement suffisant.