Un film norvégien remarquable, de la réalisatrice Ynguild Sve Flikke, par son regard intelligent et pertinent sur l'impact émotionnel, qu'elle porte sur un sujet encore et toujours d'actualité, dans sa forme la plus comique, mais aussi tragique, étrange, mais réussit. L'histoire d'une fofolle appelée Rakel ( Kristine Kujath Thorp ),une jeune femme bordélique, énergique et rebelle, furieusement bien interprété, que l'on suit à travers des illustrations et des animations représentant tous ces sens et ses excitations de jeune insouciante.
Elle aime la fête, l'alcool, et le sexe, ainsi qu'une passion pour le dessin de bande dessinée. Une fille plutôt drôle, avec qui on partage le trait, qui ne franchit jamais le réel. Le film la montre pleine de rêve, de délires, dans un style franc et direct, rafraichissant et sincère. Elle partage un appartement avec Ingrid ( Tora Christine Dietrichsen ), une colocataire avec qui elle s'éclate, lorsqu'elles rencontrent Mos-Aïkido ( Nader Khademi ) au doux souvenir parfumé de beurre, ainsi que Pikkejesus ( Arthur Berning ) un égocentrique, qu'on pourrait aussi appeler " Bite Jesus ".
Tous ces personnages féminins, masculins, fonctionnent bien, bien écrits, avec des dialogues assez pragmatiques et hilarants, qui ressemblent à leur vie, et qui se fondent parfaitement dans cette voix de narration.
Et puis c'est l'imprévu qui débarque, qui prend forme, sans un bruit, ni signe apparent, un petit bébé ninja que Rakel hébergeait depuis des mois, incognito. Cette situation qui devient à présent une image qui l'horrifie, à l'idée d'être deux à apprendre à venir au monde, qu'elle rejette sur la bêtise du père, oui mais lequel ? qu'elle voudrait très vite gommer, ou faire adopter, oui mais comment ? Ce minuscule fœtus qu'elle surnomme ninjababy, avec qui elle entretient une conversation intérieure sur leurs espoirs, leurs rêves, et leurs peurs liées à un avenir incertain, qui apparaît maintenant teinté d'un printemps qui s'assombrit, un imaginaire devenu gris, où la pluie se met à tomber. Aux côtés de ses yeux de papier, ce cœur de carton, pour un monde bien trop exclusif, qu'elle refuse de quitter, une vie de désirs et d'envies personnelles.
Face à ce petit iris de nouveau-né qui la regarde et qui s'efface, une mère qui s'enfuit par peur de respirer l'eau des naissances, indifférente au lait du ciel qui coule dans son corps, au miel qui se répand dans tout son être, et qui naturellement la rend si triste.
Ce film montre des situations difficiles, un voyage parfois compliqué et bien trop long à aimer, lorsque chacun doit prendre ses responsabilités et chercher sa place. La caméra qui suit Rakel, donne l'impression d'être dans son esprit, dans l'idée manifeste d'illustrer son bébé ninja, et de revenir sur des images du passé dans le présent, de manière comique et gênante. Cela permet de confronter Rakel à toutes ces ambivalences d'être une mère, toujours de manière créative, à travers son passé, ses pensées et ses conflits. Alors que la société repousse ce type de comportement pour une fille entêtée et sûre d'elle.
C'est un sujet difficile mais ambitieux, peut-être cette envie de la réalisatrice de montrer que les femmes sont aux commandes de leurs corps, de leurs choix, et qu'importe si elle reste marginales.