Ca fait quelques années déjà que Caleb Landry Jones traine sa gueule d'Epagneul Breton dans quelques seconds rôles. A chaque fois, ce dernier m'avait fait forte impression. Probablement à cause de son physique atypique. Cheveux roux, taches de rousseurs, un sourire énigmatique et des yeux bleu, toujours un peu rouges, comme si il venait de pleurer et qui lui donne des allures de grande fragillité. Caleb Landry Jones a une tête de redneck sensible. De quelqu'un de constamment sur la brêche. Capable de violence comme d'une extrème douceur.
Il était donc parfait pour incarner Martin John Bryant, "héros" d'un fait divers terrible qui s'est déroulé en australie dans les années 90. Un fait divers qui est je pense, assez peu connu en France. Du moins c'était mon cas avant le visonage de "Nitram". Aussi, si vous n'avez pas vu le film, je vous encourage à cesser de lire quoi que ce soit sur ce film et à ne regarder aucune bande-annonce. Cette dernière résumant l'entièreté de la première moitié du film en laissant sous entendre ce qui se passe dans la seconde. Mieux vaut ne pas connaitre l'issu du film pour l'apprécier.
L'histoire de Nitram est passionnante. C'est celle d'un enfant de 30 ans, qui vit chez ses parents, écartelé entre une mère froide, supportant tant bien que mal les caprices de son fils et un père aimant, ayant abandonné tout espoir de le canaliser et préférant s'échapper dans ses rêves d'ouvrir un Bed & Breakfast. Cet enfant de 30 ans va recontrer une riche femme de 50 ans, vivant seule avec ses chiens. Et ses deux êtres qui vivent en marge de la société, vont se retrouver et s'aimer. L'une voyant un fils qu'elle n'a jamais eu. Un fils qui malgré ses 30 ans, possède l'age mentale d'un enfant de 8 ans. Et l'autre, une mère. Une mère aimante, à l'écoute, tolérant ses bétises et ses maladresses. C'est la première partie du film et c'est clairement la plus intéressante. Le film entier aurait pu se baser sur cette relation en faisant abstraction du reste, ça n'aurait pas été déconnant.
La seconde partie montre la descente aux enfers du jeune homme, qui après le décès d'Helen, hérite de sa fortune et se retrouve livré à lui même avec suffisament d'argent pour acheter tout et n'importe quoi. Mais à nouveau seul, face une société qui ne se préocuppe pas d'intégrer ceux qui ne rentre pas dans le moule. On se doute que ça va mal finir et l'achat de plusieurs fusils d'assaut viendra rapidement confirmer nos craintes. La question étant de savoir qui, ou et combien. Les personnes qui ont violenté, humilié ou mal-considéré Nitram sont nombreuses. Cette seconde partie, bien que fascinante, comporte cepandant quelques longueurs.
L'histoire est fascinante, mais ce n'est pas le seul atout de Nitram, qui jouit d'une réalisation léché. Avec son format 4/3 et son athmosphère feutré, Nitram possède une pate très "Sundance". Souvent filmé à contre-jour, la lumière y est magnifique. A la fois douce et crépusculaire, elle donne aux intérieurs une atmosphère particulière. Visuellement ça ressemble beaucoup à "A Ghost Story", de David Lowery.
Et avec son prix d'interprétation à Cannes, c'est surtout le jeu d'acteur qui rend "Nitram" aussi unique. Les yeux cachés par ses cheveux longs, le corps vouté, écrasé par sa grosse carcasse (l'acteur a-til pris du poids pour le rôle ?), Caleb Landry Jones porte véritablement le film sur ses épaules. Mais ce serait aussi oublier, les seconds rôles. Helen, le père, la mère, tous sont excellents et incroyablement touchant. Ces derniers ont sans doute été aidé par une écriture de personnage profonde.
Car de par son sujet, Nitram est un film casse-gueule. "Nitram" est un film qui humanise un monstre. Si on était mauvaise langue, on pourrait même dire qu'il lui donne des excuses. Mais c'est justement là que se situe la force de l'écriture. Il n'y a pas de "méchant" dans "Nitram". On éprouve autant d'empathie, pour la mère qui ne supporte plus son fils (et comment lui donner tord) que pour Nitram, mis au ban de la société et dont les deux seules personnes à lui avoir témoigné un peu d'amour sont malheresement décédé. Dans la scène pré-générique, Justin Kurzel préfère pointer du doigt la politique de régulation des armes à feu qui a permis à un handicapé mental d'acheter 4 fusils d'assaut, plutôt que de blamer l'auteur de la tuerie.
Je serai curieux de savoir comment le public Australien a acceuilli le film. Car ce fait-divers est relativement récent et le traumatisme est surement encore bien présent dans le pays. Ici en France, l'histoire de "Nitram" est aussi tragique fascinante.