Inscrit dans le cadre précis d'un épisode essentiel de l'histoire du Chili, No frappe par l'intelligence de son écriture et la pertinence de sa mise en scène. Brillant à tous les niveaux, le nouveau film de Pablo Larrain brasse une multitude de thèmes, sans être ni didactique ni assommant. Le réalisateur donne au contraire à son film une énergie communicative et presque euphorisante, à l'image de la campagne publicitaire qu'il retrace pour nous.
Mis en place par les États Unis, puis forcé par le monde occidental d'organiser un référendum lui permettant, au mieux de légitimer sa dictature, au pire d'en sortir sans encombre, Pinochet hante un film à plusieurs niveaux de lecture. Le choc frontal entre des opposants sans illusion, mais désireux de ne tirer un trait sur rien, et le monde symbolique et réducteur de la publicité, constitue la moelle épinière d'un film qui narre également la victoire du neo-libéralisme sur toute autre type de société. L'espoir a très vite un goût amer.
Mariant images d'époque et fiction tournée avec des caméras identiques, No adopte une narration rythmée et inventive qui rend le propos passionnant, sans jamais en sacrifier la profondeur. Le brain storming du début devient alors une scène en constant mouvement, qui voit une phrase commencée dans un décor se terminer dans un autre. C'est brillant, intuitif et sacrément efficace. Inventant constamment, toujours au service d'un récit complexe mais habilement vulgarisé, No s'auto-alimente et se recharge de sa propre énergie.
La tension retombe au moment où la victoire du "No" explose en cris de joie. Est-ce la victoire de la vie sur la dictature assassine, ou celle d'un publicitaire opposé à un autre publicitaire ? Sans jamais rien surligner, Pablo Larrain nous donne les clés de la réflexion à poursuivre. La dernière scène entre Gael Garcia Bernal et Alfredo Castro, est à ce titre particulièrement dérangeante.
Totalement investi dans son rôle, Gael Garcia Bernal construit avec subtilité un personnage complexe et difficile à cerner. Tout le casting est d'ailleurs au niveau de l'exigence du film, brillant et humble, au service de l'histoire d'un pays meurtri, au service de l'histoire des hommes.