Pas grand-chose à dire sur l’histoire puisqu’elle appartient à l’Histoire. Le film retrace les péripéties qui ont vu le Chili sortir du joug de la dictature de Pinochet en 1988, alors que celui-ci était au pouvoir depuis 1973. Cela s’est passé à la suite d’un referendum où les chiliens étaient invités à répondre à une question simple : le général Pinochet devait-il oui ou non rester au pouvoir ?


Le film nous présente la campagne menée par les deux camps. Le personnage principal René Saavedra (Gael Garcia Bernal toujours très juste) travaille pour une agence de publicité qui va être sollicitée pour la campagne en faveur du Non. Il vit avec son enfant mais séparé de sa compagne (militante qui connaît les prisons du régime), alors que lui est plutôt du genre immature qui pense surtout à faire le job pour lequel il est payé.


Le film a la particularité d’être au format 4/3 et d’intégrer des images d’archives qui expliquent clairement les désastres humains causés par la dictature. Cela se chiffre en milliers de torturés, exilés, morts et disparus. Autre particularité, l’image est à l’opposé du style beau et léché des productions hollywoodiennes. Cela permet de placer naturellement les images d’archives et de créer une ambiance très véridique. Là où l’effet est le plus remarquable c’est dans le côté publicitaire : de 1988 à 2013 les 25 ans passés sont un véritable gouffre bien mis en évidence. Un pari osé pour simplement exister face aux productions calibrées pour séduire. Cela va jusqu’à des effets d’image brûlée (dans les rouges surtout, mais aussi le jaune et le vert) pour cause de surexposition, caméra face au soleil par exemple. Aucun doute sur la volonté du réalisateur (Pablo Larrain), puisque cela est encore souligné sur des photos du générique de fin. La méthode va tellement loin qu’elle donne à réfléchir. Voilà un procédé de manipulation de la perception du spectateur, sans doute destiné à montrer qu’on peut répondre à la manipulation par une autre manipulation.


Pendant une bonne partie du film j’ai guetté le détail qui montrerait comment et pourquoi la tendance a basculé. Mon avis est qu’en fait cela s’est joué au tout début, lorsque le referendum a été décidé. Voilà qui rappelle fortement ce qui s’est passé en France en 1997 avec la dissolution inattendue de l’Assemblée Nationale. Dans les deux cas, celui qui a demandé aux électeurs de se prononcer était tellement sûr de la victoire que la surprise a été possible.


Le film détaille les méthodes utilisées par les publicitaires à l’époque, avec les réactions face aux moyens utilisés par chaque clan. La méthode utilisée par l’équipe de René Saavedra a de quoi laisser pantois le spectateur de 2013. Pourtant, le résultat est là pour confirmer que ça a fonctionné. Avec un peu de recul on pourrait dire que cela confine à une certaine forme de naïveté. Mon avis encore une fois est que la situation avait atteint une sorte de point critique qui a fait qu’un événement inattendu a permis un véritable basculement. Face aux privations de liberté et aux injustices, le peuple a rongé son frein jusqu’au moment où Pinochet a commis l’erreur de proposer ce referendum. La seule véritable pression venait des observateurs internationaux. Le film fait bien sentir que, psychologiquement, le simple fait de proposer de voter « Non » met immédiatement l’opposition dans une position délicate, il faut s’opposer à tout ce qui est en place, vaincre la crainte de la majorité silencieuse de montrer son mécontentement, etc.


Le film est clairement positionné politiquement. Pourtant il montre que chaque clan a utilisé des arguments publicitaires de même ordre. Il fait ainsi froid dans le dos en rappelant qu’une victoire politique ne dépend pas que de la valeur des propositions des clans en présence. Sa réelle importance est de montrer que le combat pour toutes les formes de liberté est fondamental et prend des formes qui concernent tout le monde. Ainsi, le film montre que si au Chili en 1988 il y a eu un certain progrès, il restait encore beaucoup à faire du côté du féminisme (image de la femme dans le monde de la publicité).

Electron
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le 26 mars 2013

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