« You don’t have to do this »
1980.
Les intérieurs sont jaunes et ocres, comme souvent chez les frères Coen. Une Amérique de seconde zone, des comptoirs de nuit. De la moquette aux murs. Des rues souvent désertes.
Des trognes comme seul le roman noir peut en esquisser.
Ici, c’est l’après. Tout a déjà eu lieu, et on solde les comptes. Un carnage en promet un autre, et malheur à celui qui croisera la route de ce qu’il croit être la providence. Une mallette pleine de fric, c’est son nom sur une liste.
La providence, tout ce dont elle se charge, c’est de te faire rejoindre l’après.
La violence, on est pas foncièrement pour. C’est un moyen, pas une fin.
La fin, c’est ce qui occupe : on l’a déjà dit, on solde les comptes. Tout doit disparaitre.
On fait ça avec méticulosité, on est ingénieux. On bricole, on invente, que ce soit pour survivre ou pour éradiquer.
Les routes tranchent les paysages d’une Amérique splendide et indifférente. Mais le voyage ne suit pas l’itinéraire prévu. Bien vite, on abandonne les bandes blanches au profit des trainées de sang sur le bitume.
En silence, le plus souvent. Discret, efficace. On trouve toujours, dans les motels les plus crades, les pavillons les plus anonymes ou en haut des immeubles auxquels il manque un étage.
Les gens sont curieux. Ils comprennent pas. « You don’t have to do this », répètent-ils tous avant de mourir. Mais bien sûr que si. Ce qu’on veut, c’est de la résignation. Un désespoir poli, respectueux du tragique. Sans dieu. Ni catharsis. La mort, ça se fait hors-champ, surtout pour les faibles, pas question qu’ils aient leur séquence de pathos.
Le silence, on vous dit.
Les plus vieux l’ont compris, eux qui parlent, racontent leurs rêves et démissionnent discrètement de ce monde décapé jusqu’à l’os. Ce qui reste, c’est une bicoque perdue dans la lande, un café bouilli et un vieux sur sa chaise.
Vous le saviez, de toute façon. Y’a rien de pire que les remords. Aller donner à boire à un moribond, c’est bon pour les contes de bonne femme, comme le nouveau testament. Ici, c’est le monde des hommes.
Et on l’a répété, « This country is hard for people ».