Après avoir choisi la facilité en bouffant de la grosse machine de guerre à pop-corn, je m'oriente vers des œuvres confidentielles pour dénicher la petite pépite et satisfaire mon appétit de cinéphile en manque de sensations et d'expériences surprenantes. No dormiràs attire mon attention, son mélange des genres, epouvante et thriller, peut se révéler être une bonne surprise.
Une jeune femme sort d'un placard, errant dans la pénombre d'un appartement où un vinyle vibre sous le diamant, alors qu'une vieille dame coiffe frénétiquement sa chevelure, entourée de chats pendus, c'est angoissant. Nous sommes en 1974, cette jeune femme est enfermée dans une cage en verre, pour une performance artistique de l'auteure Alma Böhm (Belén Rueda). Depuis près de 108 heures, elle ne dort plus et son esprit oscille entre le réel, le rêve et l'autre monde. 11 ans plus tard, l'auteure Alma Böhm va recréer cette expérience à une échelle plus grande avec en tête d'affiche, une jeune actrice Bianca (Eva de Dominici).
L'introduction était angoissante. La découverte des différents protagonistes, de la mise en place dans un hôpital psychiatrique abandonné est prenante. On a envie de voir jusqu'où ces artistes peuvent aller, pour leur amour de l'art et de la gloire. Cette troupe de névrosés est fascinante, même si leurs jeux est outrancier. Il faut dire qu'ils ne dorment pas depuis des jours. Dans leur tête, cela ne tourne plus très rond, mais cela a-t'il été le cas un jour? Alma Böhm les façonne selon ses exigences et comme elle aime à le répéter, son art est destructeur. Elle veut pousser son expérience dans les profondeurs des limbes de l'esprit, en se servant de Bianca dont la démence du père, la prédispose à la folie. L'auteure a préparé son oeuvre, dont elle seule en connaît la fin, mais va-t'elle réussir à nous captiver par sa performance sensée surprendre son public et marquer son époque.
Le mélange des genres est un exercice de style, que j'apprécie, encore faut-il savoir savamment doser les divers ingrédients. L'insomnie et ses conséquences, avec une distorsion de la perception de la réalité est en soi, intéressante. En y injectant une touche de surnaturel, l'histoire avait la possibilité de nous amener dans diverses directions, en ne sachant plus ce qui est du domaine de la réalité, du rêve, voir de la folie, au risque de nous perdre. Le fil est ténue entre ces deux mondes, mais le film ne fait pas preuve de subtilité, mais plus grave encore, de psychologie, alors que c'est un des thème fort de cette oeuvre bancale. Alma Böhm est une manipulatrice narcissique jetant son dévolu sur la fragile Bianca, mais le jeu du chat et de la souris, ne va pas s'installer. Le film va se contenter de jeter Bianca dans une baignoire pour qu'elle accède aux fantômes qui errent dans cet hôpital psychiatrique. Un procédé qui offre quelques frissons éphémères, mais démontre les limites de son auteur, en usant de ce moyen pour distiller un semblant d'épouvante, mais nous ne sommes pas angoissé en ce lieu. Il en va de même pour les personnages, ne semblant pas être en panique face à ces présences obscures. Bianca a beau souffrir, ne plus dormir, pourtant, elle est fraîche comme à la première heure, quel est donc son secret de beauté?
Au fil de l'intrigue, le film se perd dans les couloirs de l’hôpital psychiatrique. Bianca lutte avec Cecilia (Natalia de Molina) pour le premier rôle, sous le regard des deux autres acteurs.trices et Alma. Parfois, une ombre passe pour nous rappeler que la peur n'est pas loin. D'autres fois, le fils de la metteur en scène, fait les gros yeux pour nous effrayer au détour d'un de ses pantins, où alors une autre actrice roule des yeux, afin de nous faire sentir qu'à tout moment, ça peut déraper. Mais pendant ce temps-là, l'angoisse des débuts, s'est diluée dans les méandres d'un scénario alambiqué. A trop vouloir semer la confusion dans l'esprit des spectateurs et de son actrice principale, le film perd de son intérêt. On finit par en attendre la fin, dont on connaît déjà le déroulement, à quelques détails près.
Le film n'est pas désagréable, il a ses qualités mais ses défauts finissent par prendre le dessus. Sa plus grande faiblesse et sa psychologie de bas étage : le père de Bianca est dément, donc elle le sera aussi, point. C'est un exemple parmi tant d'autres, mais on aurait apprécié un rapport plus intense, voir violent entre Bianca et Alma, que cela nous prend aux tripes et finisse par nous achever lors d'un final à la hauteur des exigences de l'auteure, sans oublier celui qui est le véritable maître de cérémonie, le réalisateur Gustavo Hernandez, dont la caméra possède les mêmes défauts, à savoir, une absence de retenue et de subtilité.
Finalement, que ce soit une grosse machine hollywoodienne où une oeuvre confidentielle, voir auteuriste, cette année cinématographique 2018 ne me procure que très rarement satisfaction. La saison estivale est souvent plus propice à l'enchantement visuel et narratif, espérons que cela soit à nouveau le cas, en cette saison morne et sèche.