(Cette chronique n'a pas pour but de blesser les gens, si c'est le cas, je m'en excuse sincèrement).
Tout d'abord le film ! (Histoire qu'on m'accuse pas de faire du hors-sujet)
Je dois dire que dès les premiers mots prononcés par l'administrateur du site Guitsby, nous présentant un film sur la "tolérance" (à voir en vidéo dans mon compte-rendu de la cinexperience ici), en ayant vu quelques minutes auparavant l'affiche rouge sang avec cette iranienne voilée au centre de l'image, en découvrant au début du métrage que le thème concerne des iraniennes sous le joug des barbus,qui n'ont pas le droit de chanter, en m'imaginant que le tout devrait bien durer 1h50 et donner du grain à moudre à une propagande féministe vache sacrée, intouchable et insoutenable, je levais les yeux de dépit et commençais déjà à faire un carton sur mon bingo de la bien-pensance.
Mauvaise langue que j'étais, car il s'agit en réalité d'un très joli documentaire qui m'a rappelé le "répétition d'orchestre" de Fellini, qui illustrait avec poésie la difficulté d'accorder des individus autour d'une langue commune, la plus belle évidemment, la musique.
Ici, ce qui m'a avant tout intéressé, au-delà de la question politique, c'est l'aspect artistique, la difficulté d'accorder entre elles des personnes aux cultures musicales si distinctes, aux philosophies opposées, entre l'instinctivité jazzy orientale et le cadre européen rigoureux et précis.
Cela s'illustre dans la difficulté des répétitions et préparatifs pour les membres du futur groupe composé à la fois d'iraniens, de français, et d'une tunisienne. Qui doit s'adapter à qui ? Les français aux iraniens, ou l'inverse ?
On perçoit la panique des français lorsqu'ils reçoivent les premières partitions, quand ils apprennent qu'ils devront chanter en persan, et évidemment en toute fin, au-delà même de tous les problèmes administratifs/politiques, la magie s'opère comme par enchantement, et l'harmonie est trouvée, et c'est simplement beau à voir et à écouter.
Simplement, je regrette qu'on délaisse légèrement cet aspect artistique, qu'on illustre si peu les difficultés pour les français de s'approprier la musique iranienne, alors que le sujet du film c'est aussi ça : comment on parvient à créer des ponts entre les cultures, entre les hommes et les femmes, et plus globalement entre les individus.
J'aurais souhaité le voir se créer progressivement ce pont. Comment les chanteurs apprennent à chanter en persan ? Comment ils intègrent les partitions, comment ils apprennent à les improviser, à se les réapproprier ?
Tout est trop abrupt, on passe de la perplexité initiale, à la réussite quasi-parfaite des ultimes répétitions en Iran une fois que le groupe est réuni.
Il manque donc de scènes transitoires, d'évolutions, pour ressentir ce rapprochement qui ne va pas de soi, pour qu'il puisse finalement émerger comme une évidence imparable.
Sur le plan politique, les féministes vont en faire tout un pataquès, alors que cette vision est extrêmement réductrice de la portée du film qui est d'abord humaniste.
C'est l'humain dans sa globalité qui est au coeur du sujet, c'est pas simplement un problème féminin.
Ici tous les individus sont victimes de la connerie discriminatoire, sans distinction de sexe.
C'est un groupe mixte composé d'hommes et de femmes que l'on interdit de jouer devant un public mixte.
Ce sont les témoignages d'hommes et de femmes iraniens qui se rappellent d'une époque où les femmes pouvaient chanter et les hommes les écouter librement, sans être odieusement stigmatisés.
Il n'est jamais question de clivage, mais de rassemblement, d'échange, du communion entre les individus, de réalisation commune à travers l'art, et en cela le film est universel, peut parler à tout le monde, sans être lourdingue, pompier, clivant, accusatoire.
On a d'ailleurs pu voir au cours du débat post film que cette conception universaliste se heurte toujours à une perception sectaire, limitée et idiote du monde résultant de la propagande féministe, puisque tout ce que la première intervenante trouve à déclarer sur le film c'est qu'après l'avoir vu elle est révoltée et qu'elle a envie de "tuer tous les mecs qui sont là". C'est évidemment dit sur le ton de la rigolade, mais ça illustre un mode de pensée, et je pense que pour le coup elle n'a strictement rien compris au film. Bon après, pour être juste et équitable, il n'est pas évident d'être pertinent lorsque l'on sort d'une projection sans recul, et surtout lorsque l'on ne souhaite pas spécialement s'exprimer (ce qui était son cas).
Ca me fait penser à une seconde intervention d'une nana qui déclarait être féministe, qui avait vu l'affiche du film et ne se serait jamais motivée à aller voir le film par elle-même, parce que ça l'aurait gonflée de voir un énième film sur le féminisme (tu m'étonnes, John), et qui s'était surprise à l'apprécier. Ben oui, c'est normal, vu que c'est pas un film féministe.
Pour conclure sur le film, et avant d'embrayer un peu plus en détail sur le contenu de la cinexpérience, ce qui le rend intéressant et captivant c'est un pur ressort cinématographique, c'est le suspense. C'est con, mais toutes les phases où l'héroïne porte un micro pour enregistrer ses échanges (glaçants) avec l'administration (la "guidance musulmane), les négociations incessantes, les perspectives de réussite en permanence remises en cause, la mission quasi-impossible pour parvenir à créer ce concert, ce quasi non-événement qui prend une portée symboliquement folle (même si concrètement il n'apporte aucun changement par la suite, et que les femmes n'ont toujours pas le droit de chanter), c'est ce qui maintient l'intérêt tout du long, jusqu'à cette explosion finale, enfin la musique belle, imparable qui désarme les coeurs. Bref, y a une vraie poésie, et un vrai sens du récit documentaire pour impliquer le spectateur dans une histoire qui aurait pu être gonflante à première vue.
Maintenant, parlons un peu de tolérance.
La tolérance selon Senscritique
Dans son discours introductif, Guitsby explique la tolérance selon Senscritique, en renvoyant clairement à ma chronique et ses commentaires sur la cinexperience du film 99 homes de la semaine dernière, qui seraient a contrario l'exemple même de l'intolérance.
Ce qui est intéressant, c'est qu'il en profite pour expliquer les raisons de la création du site, et donc sa politique.
Ce que je comprends de son discours :
1- Senscritique est un site où l'on peut s'exprimer librement sur les oeuvres et dire tout et n'importe quoi, même si c'est pas du "cinéma" du "cadrage" "de la réal" blablabla tous les avis sont les bienvenus
2- Cette liberté d'expression a un périmètre variable.
Vous pouvez parler librement des oeuvres, éventuellement vous pouvez chier au cours d'une bafouille qui vous a pris 15 minutes de votre temps sur 1,2,5,10 ans de travail, alors que vous n'y connaissez strictement rien, on s'en fout, c 'est la liberté d'expression.
PAR CONTRE, vous devez être tolérant avec l'avis des autres. Autrement dit, vous avez moins de liberté d'expression quand il s'agit des membres de Senscritique.
Si les débats de la cinexperience ne vous intéressent pas, il vaut mieux que vous vous en alliez, que vous ne les écoutiez pas, et que vous partiez. On préfère que vous fassiez cela, plutôt que critiquer/troller/moquer les membres de notre site, qui seraient blessés dans leurs ego malgré les dizaines de likes qu'ils auraient pu obtenir sur la publication facebook de leur prestation ô combien savoureuse.
3- Si tu n'aimes pas le film (ou le débat), il vaut mieux que tu montes sur scène le dire, que te cacher derrière ton PC et déverser ta bile comme un gros bâtard, connard de lâche.
Il me semble qu'on flirte avec une certaine ligne jaune de l'intolérance quand on "ose" s'en prendre gentiment aux membres du site ou plus largement aux débats (même en ayant l'élégance de ne pas les nommer), et on est invité à partir, à ne pas écouter le débat pour ne pas avoir à le critiquer. Je suis malheureusement de nature curieuse, je m'intéresse à tout, aux avis qu'ils soient pertinents ou non, et sans la moindre prétention, sans la moindre ambition, au fil de l'eau, sans préméditation, sans volonté de publicité, j'aime rapporter des événements dignes d'intérêts ou de débats avec ma propre perception assez cash mais jamais malveillante. Mais visiblement, ça c'est de l'intolérance.
Par contre, lorsque des membres d'une susceptibilité extrême (heureusement qu'ils ne réalisent pas de film), en viennent à te taxer de type "haineux", ce qui ne manque pas de nous ramener aux plus sombres heures de Manuel Valls, à pleurer sur Facebook pour qu'une pauvre chronique soit supprimée du site parce qu'elle ne serait pas un avis, mais une infamie et une insulte à l'espèce humaine, à faire des recherches google sur toi pour te stalker comme un gros pedobear, ben ça, c'est de la tolérance.
C'est trop tentant, mais je vais prendre l'exemple de notre amie Ether pour laquelle ma chronique insignifiante a dû lui sortir par les trous de nez et qui a été au taquet pour la signaler à l'équipe SC sur facebook en des termes pas très élogieux.
Il s'avère qu'elle était sur la scène lors de la cinexperience en question, et qu'elle a vraisemblablement mal pris le passage où je parle :
Des nénettes encore plus insipides, auxquelles le monsieur loyal local
est ravi de passer le micro pour les entendre débiter des banalités
insondables "ben oui, ma bonne dame, senscritique c'est pas qu'un
univers de mecs, plein de testostérone, regardez toutes les gonzesses
qu'on a mes amis (gros clin d'oeil à l'égard de la gente masculine),
et en plus elles ont plein de trucs vachement intéressants à dire,
j'en suis sûr hinhinhin, viens, viens au milieu de la scène ma jolie,
si tu veux on pourra se retrouver en backstage après la fin de la
soirée, t'as vu comment je suis gentleman et comment je te laisse la
parole hinhinhin".
Elle a dû mal le prendre, alors que jamais je ne la mentionne, que je ne sais même pas qui elle est, et que je ne me souviens absolument pas de ce qu'elle aurait pu dire ce soir-là.
Bref, dans les commentaires, elle n'a pas manqué de me taxer de misogyne.
Ce qu'elle n'a pas compris, c'est que je n'attaque pas les femmes, et encore moins les individus.
Je m'exaspère simplement contre cette tendance d'un archaïsme total, qui consiste à réduire les nanas à un nombre. Il nous faut des nanas sur scène, peu importe qu'elles disent de la merde, il faut contrebalancer la présence des mecs. Désolé les filles, vous n'êtes pas des individus, vous êtes des numéros, 6 mecs ? Essayons d'avoir au moins 4 meufs pour compenser (en plus si elles sont jolies, c'est pas plus mal)...
Qu'est-ce qu'on en a à foutre ?
Je trouve ça d'une vulgarité, d'une obséquiosité, imblairable. J'y peux rien. Et cette logique on la voit partout à l'oeuvre. Alors quand on se prétend "féministe", j'ai du mal à comprendre pourquoi, ça, rien que ça, ça ne pose pas de problème ? Pourquoi faire référence au sexe en permanence pour des trucs aussi insignifiants ?
Bon après, par curiosité, tu regardes le profil de la nana, bon et tu constates qu'elle est perdue définitivement. Je lis sur sa présentation :
je surnote toujours ce qui valorise le féminin, la femme, et cetera
(que ce soit en littérature, ou au cinéma)
Quand je lis ça, je sais pas si je dois rire ou pleurer.
Sam Peckinpah fait-il des films de merde ? Vous avez 4 heures.