Cinexpérience22 (mais la deuxième pour moi seulement)
Je ressors de cette projection encore toute émue, et je me demande si c'est vraiment une bonne idée de faire une critique aussi à chaud. Mais si j'aime le cinéma, c'est par les sensations qu'il me procure, et par les émotions qui m'appartiennent quand la lumière tombe et que je suis face à l'écran.
Et de l'émotion, j'en ai beaucoup ressenti face à ce très beau documentaire : l'histoire de femmes - et d'hommes - qui tentent tout simplement de chanter face à un public mixte. Cette idée - simple pour nous, public occidentalisé mais folle pour un public qui se bat encore pour des droits fondamentaux - est le point de départ d’un combat mené de front par Sara, iranienne qui tente de faire entendre la voix des femmes, dans une société régie par un gouvernement profondément conservateur. Mais le tout, dans une douceur incroyable, un entêtement difficile mais sans faille, et un courage sans fin de rendre hommage à l’histoire de son pays, de rendre en quelque sorte justice mais surtout de rappeler le rôle et la place des femmes dans la société iranienne, et j’oserais dire dans la société tout court.
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom
L’occasion de se souvenir que nos droits ne sont jamais acquis, et que nous avons le pouvoir entre nos mains pour construire un monde meilleur : oui, cela sonne cliché, mais en voyant ce documentaire, nous ne pouvons que réaliser à quel point nous avons la chance de vivre dans un pays où les droits les plus fondamentaux sont à notre portée. Nous qui vivons dans une société où la liberté d’expression est présente, ne devrions-nous pas non seulement parler mais aussi faire, donner corps à nos paroles par nos actes ?
« Ils ne peuvent pas comprendre car ils n’ont pas connus la guerre. »
Et c’est avec une extrême patience que tout ce film-documentaire est construit, tout en délicatesse sur l’art de contourner une censure ou de jouer avec les règles établies : au-delà du simple fait qu’il se déroule en Iran, j’aime à penser qu’il rappelle que la non-violence joue son rôle dans le changement des mentalités, et que c’est petit à petit que nous pouvons faire en sorte de faire changer les choses. Cela m’a fait penser à une discussion que j’eue avec un ami, il y a quelques temps : il est plus efficace de faire tomber une pierre à plusieurs plutôt que de faire appel à un gros géant pour le faire.
Car Sara n’est heureusement pas seule mais soutenue dans sa cause, et rappelle surtout qu’il n’est pas nécessaire de crier pour faire entendre sa voix, et c’est sans doute dans cela que réside la beauté de No land’s song.
Mais demeure aussi cette vérité que chaque fin de l’histoire contient
nécessairement un nouveau commencement : ce commencement est la
promesse, le seul « message » que la fin puisse jamais donner. Le
commencement, avant de devenir un événement historique, est la suprême
capacité de l’homme ; politiquement, il est identique à la liberté de
l’homme. Initium ut esses homo creatus est - « pour qu’il y eût un
commencement, l’homme fut créé » a dit Saint Augustin. Ce commencement
est garanti par chaque nouvelle naissance; il est en vérité, chaque
homme.
Hannah Arendt, Le système totalitaire.