Un budget de 15 millions de dollars, d'excellents acteurs habitués aux seconds rôles, une histoire à suspense... Unthinkable a tout de la série de B de vidéoclub, d'autant que le métrage de Gregor Jordan est sortit directement en dvd aux USA.
Pourtant, après vision de la chose, un constat s'impose : Unthinkable n'est pas un DTV de base et si le film n'est pas sortit en salle, ce n'est pas à cause de sa qualité ou de son potentiel commercial mais de son propos particulièrement sulfureux propre à mettre mal à l'aise la plupart des spectateurs qu'ils soient ricains ou non.
De fait, Unthinkable est un véritable film indépendant tant il se distingue du tout venant de la production ricaine.
Oubliez le pitch d'une efficacité redoutable et le suspense insoutenable qu'il occasionne, oubliez la thématique du terrorisme qui ne sert au final que de prétexte...le métrage est construit autour d'une question vieille comme le monde : la fin justifie t-elle les moyens ?
Surfant intelligemment sur l'actualité brûlante (l'Irak, la torture, etc...), Gregor Jordan balance cette question à la face du spectateur en le privant de tous ses repères moraux.
Ainsi, la grande force d'Unthinkable réside dans une absence totale de manichéisme dont les personnages sont les dépositaires.
D'une rare ambiguïté, les protagonistes se révèlent totalement imprévisibles et au final terriblement humains à l'image de ceux campés par Samuel L. Jackson et Carrie-Anne Moss. Dans le rôle d'un tortionnaire professionnel, le premier est véritablement l'âme du métrage, cristallisant tous ses enjeux et les question terribles qu'il soulève : de très loin, une des meilleures performances de Jackson.
Quant à l'interprète de Trinity (qui montre brillament qu'elle n'est pas l'actrice d'un seul rôle), elle est tout simplement le point de vue du spectateur : d'abord solide comme un roc et engoncée dans ses convictions avant de vaciller.
Le reste de la distribution est un peu plus en retrait à l'exception de Michael Sheen monstrueux en Némesis et de Benito Martinez (Aceveda dans The Shield) quasiment muet pendant tout le film mais qui parvient à exister lors d'un dernier quart d'heure éprouvant et absolument "no limit"
Car vous l'aurez compris, Unthinkable va loin, très loin afin de susciter des questionnements moraux chez le spectateur. Ainsi les scènes de torture font froid dans le dos,Jordan allant même jusqu'à montrer comment l'homme s'habitue à la barbarie au détour d'un plan séquence imparable ou de quelques dialogues bien sentis.
Au final, malgré quelques défauts (certains personnages purement fonctionnels, quelques raccourcis scénaristiques), le métrage de Jordan fait mouche car on n'en ressort pas indemne.
Certains taxeront probablement le film de réac ou /et d'anti-musulman mais ils auront tort car Unthinkable n'est pas un film politique, juste une oeuvre sans concessions qui triture l'humanité dans ce qu'elle a de plus sale et dont les thématiques sont, hélas, universelles.
Une claque, transcendée par ses interprètes et par une mise en image sobre qui se démarque agréablement du style "24" caractéristique de ce genre de prod.