Quand Mr Tout-le-Monde décide de ne plus l'être...

On ne l'avait pas forcément vu venir mais la première partie de "Nobody" surprend agréablement en se détournant de son modèle évident qu'est "John Wick" (son co-réalisateur David Leitch est en plus à la production) dans le but d'exposer à sa façon la bête qui se réveille en son quidam de héros incarné par Bob Odenkirk.
Ici, aucune vraie tragédie personnelle ne vient en effet pousser ce Mr Tout-le-Monde à entamer une quête de vengeance meurtrière comme dans tout bon vigilante movie ! Non, en réalité, un simple prétexte futile suffit à exploser une carapace basée sur des années de frustration et redonner goût à la vie à cet homme en lui permettant enfin de faire ce qu'il sait faire de mieux : prendre son pied en collant une méchante raclée à la première petite frappe venue ! De la monotonie d'une existence rangée rapportée à la vitesse de l'éclair à un climax de folie dans un bus où des dents délestées de leurs propriétaires garnissent des flaques de sang, la première demi-heure de "Nobody" est absolument exemplaire dans sa montée en puissance pour révéler la véritable nature de son héros, pris au piège de sa propre jouissance égoïste de coller des bourre-pifs à son prochain et la prison de cette vie de famille qu'il ne peut décemment pas abandonner si facilement. Pas si courante, cette approche axée sur la renaissance volontaire de son héros aura le mérite de faire ressentir au spectateur toute la jubilation de ce Mr Nobody à retrouver enfin ce lui qu'il était vraiment.


Par la suite, le film ne va pas abandonner cet angle mais il va choisir de le diluer dans le contexte plus attendu et familier du "T'as tabassé le mauvais type, mon gars !" qui va évidemment entraîner son héros dans une spirale sanglante toujours plus grande. À partir du moment où l'adversaire (russe comme il se doit) est pointé du doigt, "Nobody" perdra une grande partie de l'originalité de ses débuts en épousant des tics bien plus "wickiens" dans le déroulement de ces affrontements. Cela ne voudra pas dire pour autant que le film se contente du minimum en la matière car, en termes de scènes d'action, "Nobody" aura toujours la bonne idée au bon moment pour accentuer la générosité du spectacle grâce notamment aux trouvailles de la mise en scène d'Ilya Naishuller (on retrouve cette obsession de fluidité à tout prix observée dans "Hardcore Henry"), de l'utilisation inattendue de bonnes vieilles trognes (une ola pour Christopher Lloyd !) ou d'une bande originale jouant brillamment la carte du décalage.


Même si, à l'instar de son personnage, on peut regretter que "Nobody" délaisse partiellement ce qui aurait pu lui donner un ton complètement unique pour se fondre (un peu) dans la masse en cours de route, le long-métrage d'Ilya Naishuller a tout de la série B d'action défouloir réussie et, bien entendu, portée de bout en bout par un Bob Odenkirk parfait dans un contre-emploi qui ne l'est clairement plus une fois arrivé au générique de fin. Comme quoi, il ne faut définitivement pas se fier aux apparences...

RedArrow
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le 15 avr. 2021

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