Drame social japonais inspiré d'un fait divers réel datant de 1988, ce film nous montre le quotidien de quatre enfants abandonnés par leur mère au départ déjà pas très présente ni recommandable (et dont les pères sont inconnus ou inexistants dans leurs vies) tentant de survivre seuls dans un appartement à Tokyo. Le visionnage est très long (quasi 2h30) mais le format passe assez bien dans le sens où il nous fait vraiment rentrer dans la monotonie et la lente dégradation de leur niveau de vie dans le quotidien. (Par contre pour qui veut de l'action et du sensationnel, passez votre chemin, vous allez vraiment vous faire chier.) L'acteur principal, qui joue le fils aîné Akira et sur qui le récit est centré porte en grande partie le réalisme du film et je comprends sans mal qu'il ait gagné le prix d'interprétation masculine à Cannes. En l'absence de la mère, c'est lui qui portera sur ses petites épaules toute la fratrie du mieux qu'il pourra et le suivre dans cette lourde tâche est une expérience aussi douloureuse qu'elle est impressionnante. L'évolution des personnages (et les personnages eux-même d'ailleurs) et elle aussi vraiment réussie, on sent réellement le temps passer progressivement, le film ayant été tourné sur un an en temps réel. Contrairement aux drames sociaux occidentaux qui ont tendance à tomber dans le pathos et le misérabilisme en surenchère, ici tout reste dans la dignité et la réserve, même face à l'horreur absolue, ce qui me semble être une constante japonaise assez réaliste et qui apporte un certain rafraîchissement dans ce type d'œuvre (Je ne connais pas beaucoup de film type drame sociaux japonais et ça change du reste globalement). Même au pire moment du récit, de par ce traitement très pudique autant visuel qu'au niveau des réactions des personnages, on est emporté dans ce refrènement total d'expression de nos propre sentiments, ce qui est vraiment étonnant car le film ne laisse intérieurement pas de marbre. Spectateur de la catastrophe, on ne peut que serrer les dents devant l'inévitable et accepter la fatalité brute en tentant de rester stoïque, en miroir de la force et la maturité bizarre qui se dégage de ces enfants perdus.
Néanmoins, malgré les qualités très nombreuses du film, je suis restée sur ma faim concernant "l'après", la fin n'étant pas vraiment satisfaisante. La mention à l'inspiration d'une histoire vraie au début du film attise également la curiosité sur ce qui s'est réellement passé et ce qu'ils sont devenus et on en apprend pas d'avantage là-dessus. Alors que le film sensibilise vraiment à cette réalité terrifiante d'enfants abandonnés en situation d'auto-survie, on apprend même pas globalement combien d'histoires de ce genre sont estimées au Japon etc... Il aurait été bien d'être jusqu'au-boutiste dans cette sensibilisation et de donner des clés supplémentaires pour ne plus faire partie de ce "Nobody Knows".