Dans le cadre il y a deux corps qui se regardent. L'un est un bloc, ancré au sol, stature droite et imposante, le regard vif. L'autre est petite et fine, enveloppée dans une beauté glacée. Il est vissé dans l'écran, elle semble être prête à s'évaporer, disparaître, le laisser seul dans le champs. Et pourtant, par un jeu de lumières, un doux voile de soleil qui transperce les trous dans la fenêtre, le son de la campagne où le bruit d'une sonnerie, le vide d'une place délaissée au fond d'une classe ; il se passe quelque chose. Il y a un regard, une flamme triste, une pulsion d'amour, froide comme la mort. On y sent une passion désespérée, sans impulsion, sans élan. Le regard bleu de Bruno Cremer, qui analyse chaque chose courant dans son regard, et celui de cette étudiante venue le réveiller. Venue lui dire "sois seule avec moi". "Soyons seuls tous les deux". Noce Blanche est la rencontre entre deux solitudes, la seule chose qui diffère est leur place dans le plan. Sinon, ce sont les mêmes. Leur regard se croise et il n'y a plus rien.
Au début du film, ils se connaissent à peine, il est toujours un prof, elle est toujours une élève. Ils se voient hors des cours pour une première fois. Il enseigne la philo, elle déserte la philo. Elle s'est faite virée de cours, elle en a rien à foutre. Elle l'intrigue, elle l'intrigue parce qu'elle semble seule et parce qu'il se voit en elle. Ils se parlent, il marchent. Elle coure devant, elle est en mouvement, elle bouge, elle papote. Et lui est derrière, dans son manteau noire, son écharpe rouge, il l'écoute, en retrait, analyse. Et c'est magnifique, ça : il y a le prof qui écoute, qui dissèque le mouvement. Et puis il y a la gosse qui l'incarne ce mouvement, qui court devant et parle sans réfléchir. Bien sûr il y a leur amour, mais il y a aussi ces mots qu'ils se disent, ces textes qu'ils ânonnent avec maladresse parfois, sur tous ces philosophes théorisant l'inconscient. Mais a la fin, François s'assied et regarde l'océan. Il n'y a alors plus de mots à dire, rien à disséquer, rien à analyser : dans son regard il y a toute la philosophie du monde. L'image s'est installée, l'image raconte, l'image dit tout ce que les mots ne peuvent dire, ce n'est rien qu'un plan fixe et il y a déjà tout. Le soleil se couche, Mathilde disparait, comme un rayon vert à l'horizon.