Nocturama par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Comme chaque jour à Paris, chacun vaque à ses occupations quotidiennes. Dans ce va et vient, quelques jeunes gens disséminés çà et là, téléphones portables en mains, entrent en contact afin de préparer de la manière la plus minutieuse qui soit une série d'attentats dans différents endroits symboliques de la capitale. Il y a entre autres Yacine, David, Greg, Sarah, Omar, Sabrina et Mika, tous issus de différents quartiers, de différents milieux et de différentes confessions. Les explosions ne tardent pas à se produire, le gouvernement est en ébullition pendant que la surprise puis la panique s'emparent de la population...


A première vue ils n'ont rien d'inquiétants ces jeunes gens qui, malgré leurs différences, semblent avoir un idéal commun contre les institutions en place et certains symboles. Les derniers textos passés, les téléphones portables rejoignent les poubelles. Leurs actes accomplis ils se mettent à l'abri dans un grand magasin en attendant l'heure propice pour retrouver la liberté.
C'est d'abord la joie du travail terminé qui les envahit bien qu'ils n'aient pas le cœur à assister au résultat de leur forfait. Les jeunes gens profitent alors des attraits que peut présenter un magasin de luxe, car malgré l'esprit de révolte, ils ne tournent pas le dos aux jolies choses onéreuses.
Au fil du temps les heures paraissent de plus en plus longues et la satisfaction des actions accomplies retombe quelque peu. Alors pour certains la curiosité l'emporte. Pour cela on allume une télé dernier cri et le terrible spectacle s'étale sous leurs yeux. Étaient-ils conscients de l'ampleur du désastre ? Étaient-ils conscients du déferlement de réactions ? Le gouvernement réagit comme il se doit en instituant "l'état d'urgence". Les terribles événements passent en boucle sur les chaînes d'infos annonçant que les coupables ne tarderont pas à être retrouvés.
Paris est en état de siège. Il suffit que l'un d'eux sorte des locaux insonorisés du magasin pour que le bruit des avertisseurs se fasse entendre. À cette étape de la nuit, malgré quelques fanfaronnades pour faire croire que l'on a le moral, celui-ci s'envole à tire d'ailes et il reste encore beaucoup de temps à rester cloîtrés dans ce lieu devenu presque hostile.
Puis de la crainte, le petit groupe passe à l'angoisse, les forces de l'ordre ne lâcheront pas prise au petit jour. Puis la terreur fait place à l'angoisse lorsque la "Brigade Antigang" semble se manifester dans les parages. Les larmes brouillent les yeux, les amours se déclarent mais aussi l'assaut final.


Pour réaliser une telle œuvre avec autant de minutie et de réalisme, il faut être un grand metteur en scène et Bertrand Bonello en est assurément un. Son film se divise en deux parties bien distinctes. Le premier acte ne comporte pour ainsi dire pas de dialogues. Nous voyons ce petit groupe éparpillé dans Paris préparant minutieusement leurs plans et cet horaire qui vient sur l'écran souligner les différentes étapes ne fait qu'aiguiser notre envie de savoir le but et la conséquence de toute cette mise en œuvre paraissant un peu abstraite. Cela nous permet de faire plus ample connaissance avec les personnages qui nous emmèneront dans l'action en laissant libre cours à notre imagination.
Puis vient le second acte, celui durant lequel le résultat de cette longue préparation se produit et là le réalisateur se montre très réaliste dans la description des attentats et de l'évolution des sentiments des jeunes gens au cours de la nuit. Devant leurs regards inquiets reviennent régulièrement des flash-back de ces explosions laissant penser qu'il n'avaient peut-être pas conscience de la gravité de leurs actes. Bertrand Bonello nous laisse le soin de juger par nous-même nous offrant un épilogue aussi dur qu'émouvant, splendidement réalisé. Il nous gratifie également d'une magnifique B.O. qui met d'admirable façon cette histoire en valeur.
Les jeunes acteurs sont absolument éblouissants plus vrais que nature dans la peau de leurs personnages. Je ne vais pas les citer dans cette critique mais je vous invite ardemment à faire un tour dans la rubrique "casting" en espérant que nous aurons le bonheur de les revoir bien vite sur les écrans.


Ne manquez pas ce film. Bertrand Bonello a le talent et l'élégance de ne pas prendre partie, il nous laisse juge, ce qui est rare dans le cinéma. En tout cas, j'espère qu'après le visionnage vous vous sentirez aussi imprégné et bouleversé que moi.

Grard-Rocher
9
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le 26 sept. 2016

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