Lost Highway
L’écriture peut être une arme redoutable dans la construction machiavélique d’une vengeance. Il est vrai que le pouvoir de la plume a cette manie de faire resurgir en chacun de nous les pires...
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le 14 janv. 2017
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Critique dévoilant des éléments de l'intrigue. Ne pas lire cette critique si vous n'avez pas vu le film.
Tom Ford est avant tout connu dans le monde de la mode comme styliste pour des marques de luxe comme Gucci et Yves Saint-Laurent. Néanmoins, il était déjà passé derrière la caméra pour les besoins du drame "A Single Man" sorti en 2009, avec notamment Colin Firth et Julianne Moore. Il aura fallu attendre sept ans avant que le réalisateur américain ne tourne un nouveau long-métrage : "Nocturnal Animals".
Ce thriller sorti fin 2016 aux USA nous fait suivre Susan Morrow (Amy Adams), un galeriste quadragénaire vivant à Los Angeles, capitale de l’opulence et du luxe. Un luxe qui au final n'est là que pour cacher le vide de son existence (cf. la scène d'introduction du film). Mariée à un homme d'affaires (Armie Hammer), Susan passe la majorité de son temps seule chez elle ou alors à sa galerie d'arts, étalement d’œuvres de mauvais goût.
Alors qu'elle sombre petit à petit dans la solitude, elle reçoit un colis surprise. A l'intérieur, elle y découvre un manuscrit intitulé Nocturnal Animals, littéralement traductible en Animaux Nocturnes. Ce livre lui est adressé par Edward (Jake Gyllenhaal), son ex-mari, fantôme de son passé. Curieuse, Susan se lance dans la lecture de cette œuvre qui ne la laissera pas indifférente.
Nocturnal Animals raconte l'histoire d'une famille américaine basique : le père est Tony Hastings (Jake Gyllenhaal), un homme réservé et sensible ; la mère est Laura Hastings (Isla Fisher), d'une beauté incroyable ; et la fille est India Hastings (Ellie Bamber), une jeune fille effrontée. Tout semble bien aller pour eux. La vie va malheureusement leur jouer un mauvais tour. Alors qu'ils sont, de nuit, sur la route désertique des vacances, une voiture conduite par trois hommes avinés leur rentre dedans. Ces criminels, menés par Ray (Aaron Taylor-Johnson), font petit à petit monter la pression sur la famille Hastings. Le père, choqué, n'a pas les réactions qu'on est en droit d'attendre de lui. Il ne réagit pas. Il se laisse faire. Le résultat de ce comportement paralytique sera l'enlèvement et le meurtre sauvage de sa femme et sa fille. S'en suivra pour lui un long combat, autant judiciaire que moral, pour retrouver les coupables de ce crime.
Mais pourquoi Edward a-t-il envoyé ce livre brutal et violent à son ex-femme ? Si plusieurs hypothèses peuvent sans doute être développées, je pense qu'il n'y a au final qu'un niveau de lecture possible. En effet, tout au long du film, Susan se remémore sa vie avec Edward, homme cultivé, romantique et sensible. Homme qu'elle a aimé et qui l'aimait pour deux.
Au fur et à mesure du livre, on comprend que cette mise en abyme malicieuse est là pour montrer à Susan le mal qu'elle a causé. Dans le livre, Tony a tout perdu. Il souffre de la mort de sa femme et sa fille. Il souffre pour le mal qu'elles ont subi. Il souffre de ne pas les avoir défendues. Ainsi, il est possible de faire le parallèle avec Edward. Lui aussi a souffert quand Susan l'a quitté. Il a encore plus souffert quand cette dernière a avorté. C'est une douleur qu'il a vécue comme un coup de poignard, d'où l’œuvre qu'il a écrite et qu'il s'est permis de transmettre à Susan. Ne dit-on pas que la vengeance est un plat qui se mange froid ? Froid, voire même glacial si on se place dans le contexte du film. En effet, Edward et Susan n'ont plus été en contact depuis 19 ans. Ce sont autant d'années de ressentiment qu'Edward fait ressortir dans son livre.
Comme je l'ai écrit notamment dans mon titre, "Nocturnal Animals" est un thriller troublant. La violence omniprésente, souvent physique, mais le plus souvent morale, fait de ce long-métrage une œuvre parfois dure à supporter. La scène de l'accident de voiture m'a choqué. Je me suis trouvé pris d'une certaine culpabilité, celle de ne pas pouvoir aider cette famille violentée. Mais pourquoi Tony ne réagit-il pas ? Tony qui, sous les traits de Jake Gyllenhaal, m'a paru au premier abord être un paradoxe total. A un moment j'ai même pensé : il n'est pas le bon acteur pour le rôle. Il est trop imposant, lui, l'acteur de "La Rage au ventre" ou encore "End of Watch". Un acteur comme William H. Macy en mode "Fargo" aurait été un meilleur choix. Mais au final, on comprend pourquoi c'est lui qui joue le rôle. C'est tout simplement car Susan s'imagine Edward en lisant le roman.
Outre cette violence perturbante, "Nocturnal Animals" est aussi un film esthétique. On reconnait alors là le styliste qui réside en Tom Ford. Non seulement les acteurs sont impeccablement vêtus, que ce soit les protagonistes de Los Angeles, tirés à quatre épingles, ou ceux du roman, négligés mais impeccablement négligés dans leur décor désertique. De plus, cette volonté d'esthétisme va même plus loin. Elle se traduit bien évidemment par la photographie, images léchées, œuvres d'art à part entière, ou plus simplement dans les décors. Rien n'est fait au hasard.
Niveau thématique, "Nocturnal Animals" est avant tout un thriller sur la manière de se venger. En tous cas de mon point de vue. On peut alors noter son intéressante réponse à ce sujet. Le roman prévaut une vengeance personnelle, armes à la main, car la justice donnera toujours raison aux coupables. La mise en abyme avec l'histoire entre Susan et Edward prévaut quant à elle une vengeance psychologique, beaucoup plus fine, car cette dernière aura un impact à long terme sur les coupables. Mais paradoxalement, le film nous laisse sur notre faim ? Susan a-t-elle vraiment compris le message qui lui était adressé ?
En conclusion, "Nocturnal Animals" est un thriller complexe qui ne m'a pas laissé indifférent. Magnifiquement interprété, notamment par Michael Shannon qui joue l'inspecteur chargé de l'enquête au sujet des meurtres de la femme et de la fille de Tony, ce long-métrage s'avère rythmé et absolument prenant. La bande originale d'Abel Korzeniowski y est pour quelque chose. A noter cependant que (j'ai oublié de le développer plus haut) certains acteurs sont sous utilisés. Je pense par exemple à Laura Linney qui joue la mère de Susan. Déjà la différence d'âge très réduite entre les deux actrices est peu convaincante, et peut-être que la relation houleuse entre les deux personnages aurait pu être davantage développée. Armie Hammer dans le rôle du riche époux est malheureusement peu présent également.
Ma note : 8/10.
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Créée
le 16 avr. 2017
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