Darren Aronofksy avait déjà touché au mythe biblique en adaptant le passage connu de tous où Noé construisit une arche recueillant tous les animaux par paire avant un déluge gigantesque, génocide divin servant à nettoyer la terre de l'impureté humaine. Son roman graphique était assez couillu et a bien fait parler de lui. L'adapter en film est une autre paire de manches, car entre la volonté de proposer une vision propre du passage biblique et un film grand spectacle, l'auteur américain s'est perdu dans les méandres d'un système hollywoodien dégénéré...
Un casting de luxe, un budget colossal, des moyens mis en œuvre pour offrir aux yeux du spectateur un blockbuster épique. Mais paradoxalement, la fable adaptée oscille elle-même entre un sérieux historique et une aventure fantastique démesurée où Dieu himself s'attaque aux hommes, où les visions et autres présages sont concrets et où des anges déchus foulent encore la terre. Bouillie inégale incapable de proposer quelque chose de cohérent, Noé frôle le naufrage. L'interprétation est parfois réussie, certains passages sont visuellement hallucinants (que ce soit les scènes d'action numériques tape-à-l'œil ou les délires purement aronofskiens comme la genèse) mais c'est surtout dans son ensemble que le tout reste indigeste.
Un rythme inégal, des dialogues ringards, des anachronismes évitables et cette agaçante atmosphère de film d'heroic fantasy aussi inadéquat que poussif. Alors oui vous allez en prendre plein la vue avec des bastons virulentes, un affrontement dantesque entre les hommes et des géants de roc, des matte-paintings renversantes et une foule d'animaux numériques imparfaits, mais vous allez aussi en sortir comme blasé, comme si toute cette mythique histoire n'apportait rien, ni à vos convictions ni à vos doutes.
On en ressort comme vide, peu convaincu par ce blockbuster sans âme pondu par un auteur tenant pourtant habituellement du génie. Le film n'est pas un désastre mais n'arrive cependant jamais à être concrètement époustouflant et au final, on se dit que le sujet n'aurait jamais prêté à l'être. Au final, entre le retracement historique plus ou moins fidèle et la matérialisation d'éléments fantastiques Disney, Noé reste une déception, un film bâtard bien loin du talent originel de son réalisateur.