Noé
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Noé

Film de Darren Aronofsky (2014)

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La bible, mais avec des monstres et de la SF rétro...

« Au commencement, il y avait l’Eden » Ah ouais, ça claque ! « Succombant à la tentation, Adam et Eve furent chassés du paradis. » Les cuivres tonnent. Ca claque ! « Caien, fils d’Adam, tua son frère Abel, avant de fuir à l’Est. » Ca va chier ! « Et la descendance de Caien pilla la terre avec des citées industrielles et extermina les Veilleurs, des anges déchus venus sur Terre pour les secourir. » … What the fuck ? C’est dès l’intro qu’on sait qu’on ne va pas voir le film attendu. Et pourtant, on n’est pas déçu, juste gentiment surpris. On délaisse le côté strictement religieux pour donner dans l’aventure où des éléments cosmiques sont à l’œuvre, mais en gardant finalement un ton assez proche du conte. C’est un film kitsch sobre, qui assume ses partis pris esthétiques et qui veut avant tout réaliser un beau voyage, tout en s’inspirant très librement des fondements des principales religions monothéistes. Dès le départ, le monde des hommes et le concept de société sont perçues comme des plaies, qui ruinent le monde, pillent sans vergogne les ressources et s’entretuent pour se les approprier. Une vision volontairement manichéenne pour justifier l’attitude de Noé, personnage mis à rude épreuve par le Créateur (on évite de dire Dieu, ce qui rajoute le côté finalement très SF de ce film, un peu comme la dernière histoire de Cloud Atlas). La première partie du film, c’est la fuite vers les montagnes, fuite devant les hordes d’hommes rendus affamés par le manque de ressources sur un monde qui se meurt. Un véritable survival, où le danger est présent (gros nombre de morts et quelques blessures gores), mais où l’ambiance biblique et posée empêche toute peur de s’installer (d’où le côté fable humaine). Puis les veilleurs entrent en jeu, et là, on sait qu’on met les pieds en plein fantastique. Des géants de pierre titanesques, des miracles, des déserts de cendres jalonnés de cadavres… La splendeur kitsch du film et de ses effets ravira tous les amateurs d’aventure à l’ancienne, qui trouve encore une façon de s’émerveiller devant l’ingénuité. Enfin, je suis gentil de dire ingénuité, car le fond humaniste du film est assez naïf (le monde il est méchant mais on y trouve de la gentillesse, ponctuellement). C’est la naïveté de ce ton, ainsi que l’ambiance extrêmement posée du style de Aronofski (on clairement ici dans la mouvance de son sublime The Fountain), qui font à la fois le charme et le défaut du film. En effet, difficile de se sentir vraiment menacé dans un climat aussi kitsch, ni devant des messages aussi simples sur le monde. C’est bienveillant, mais un peu trop sommaire pour qu’on soit autre chose de diverti. Néanmoins, la fascination d’Aronofski pour les symboliques permet de faire quelques parallèles très beaux et stimulants pour l’esprit, et son esthétique peaufinée enchantent littéralement la plongée dans ce monde mourant au seuil de l’apocalypse. On a même quelques tableaux marquants, comme l’infiltration de Noé dans un bidonville humain, portrait du cancer de la Terre asséné avec un sens aigu de la symbolique (je n’ai pas senti une telle densité depuis les films de Mel Gibson (Apocalypto notamment, la Passion dans une moindre mesure)). Des visions marquantes, et des tableaux très agréables pour la rétine (d’autant plus que l’arche devient un dortoir confortable et douillet, grouillant de vie et havre de paix quand les éléments se déchaîneront au dehors. La sensation de sécurité atténue le souffle épique, et empêche donc une implication en profondeur du public. Toutefois, le cas de Cham, fils de Noé désirant trouver une épouse, permet de planter les prémisses de ce qui sera le cœur noir du récit. Le troisième acte du film (après l’exil et la construction) plante un contexte bien plus sombre, Noé révélant clairement son projet de sauver les innocents (animaux) et d’exterminer toute la race humaine, jusqu’à sa propre lignée. Une sorte de Shining, avec un survivant extérieur introduisant la discorde et flattant les bas instincts, incarnant clairement les valeurs humaines les plus sombres possibles. Pas de spoilers, mais cette tournure inattendue permet de pimenter le récit en réservant quelques surprises au spectateur. Néanmoins, le constat positif ne sera pas clément avec tout le monde. Anthony Hopkins fait clairement office de papy gâteau assez gênant (« tu veux une tasse de thé ? »), Emma Watson s’affole des hormones après un joli jeu de focale branche morte-branche fertile (un élément déterminant pour la suite du film), Noé sombre dans l’alcoolisme… Des éléments un peu gênants qui alourdissent ponctuellement un récit plutôt humble malgré l’échelle cosmique des éléments à l’œuvre (l’eau, le feu, la terre, seul l’air semble avoir été oublié). Au final, le film est suffisamment beau (magnifiques paysages) pour justifier le visionnage en salle, et se laisser bercer par un conte à l’ancienne, adulte dans sa violence, mais jeune dans ses émotions.
Voracinéphile
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le 10 avr. 2014

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